Les chars allemands étaient ils les meilleurs de la 2e guerre mondiale ? – 2e partie

Deuxième article sur la question : les chars allemands en 1939-45 étaient ils vraiment les meilleurs ? Et pour répondre à cette question, nous allons revenir en arrière, comprendre d’où sont partis nos braves militaires de la Wehrmacht.

Premier arrêt : 1903 ; un capitaine français polytechnicien, Léon René Levavasseur, arrive à l’état major pour présenter son idée : un canon monté sur une plateforme roulante tout terrain. Et puis on va ajouter un blindage, pour protéger les servants des tirs de fusils ou des éclats d’obus. Et à la places des roues, on va mettre une grande bande de chaque coté (ça ressemble furieusement à des chenilles, et rien à voir avec la chanson). Vous l’aurez compris : il vient d’inventer le char (plutôt un canon automoteur, mais ne chipotez pas). Bien entendu, tout cela est trop moderne pour les militaires de l’époque, qui rejettent le projet sous le prétexte que on fera jamais mieux que le cheval pour déplacer un canon. Comme notre ami Levavasseur est têtu, il revient à la charge en 1908, mais il essuie toujours un refus.

Un schéma du projet Levavasseur


Dans le même temps, un Autrichien, le lieutenant Gunther Burstyn (avec un nom pareil, sûr qu’il n’est pas japonais), propose en 1911 une idée un peu similaire, mais avec cette fois ci un canon sous tourelle. Et en Australie en 1912, c’est un ingénieur civil, Lancelot de Mole (ça s’invente pas … le gars devait avoir des envies de chevalerie motorisée), cette fois, qui propose un engin blindé pour transporter des soldats. Les chefs militaires étant uniformément stupides, toutes ces idées beaucoup trop en avance sur leur temps sont rejetées. H.G. Wells parle pourtant, dans une de ses nouvelles, de « land ironclads » (cuirassés terrestres) qui écrasent des fantassins un peu trop sûrs d’eux. Nous en restons donc là pour l’instant.

Le char façon Burstyn, bien trop en avance sur son temps …


Puis la guerre éclate. Après quelques mois de guerre de mouvement, la guerre s’enterre. Et il devient extrêmement difficile de percer les lignes ennemies, protégées par des tranchées, des mitrailleuses qui fauchent les fantassins, des barbelés qui ralentissent les charges, … Bref, l’attaque ne peut se faire que si on la précède d’un puissant barrage d’artillerie ; sauf qu’après, le sol est retourné, rendu instable, et progresser sur un tel terrain devient vite un enfer. Ah, si seulement on avait un engin protégé des tirs ennemis, capable de se déplacer sur tout type de terrain, et d’emmener avec lui une puissance de feu suffisante !
Heureusement, du coté franco britannique, on se souvient de ces idées un peu farfelues, et on se dit que finalement, c’était peut être pas si bête. Au Royaume Uni, c’est le premier lord de l’Amirauté, un certain Winston Churchill, qui pousse le projet. Et comme on ne veut pas que les Allemands comprennent la petite farce qu’on leur prépare, on appelle le projet « tank », ou réservoir, en faisant croire qu’il s’agit de réserves d’eau mobiles, destinés à la guerre dans le désert. Donc oui, quand vous jouez à « World of tanks », vous jouez en fait au « Monde des réservoirs ». Ça claque moins quand même.


En 1916, le premier modèle est au point : le Mark 1. On est encore loin du char contemporain : il s’agit plutôt d’une grosse caisse blindée, avec des chenilles qui montent jusqu’au dessus du char ; pas de tourelle, mais les armes sont installées sur des supports latéraux. On décline l’engin en deux version : une armée de deux canons, appelée subtilement « male », et une « female », avec tout plein de mitrailleuses, et dont le rôle est de protéger les premiers en combat rapproché.

Le Mark I britannique, modèle « male »


Ils seront utilisés pour la première fois durant la bataille de la Somme. Les Britanniques veulent l’utiliser pour percer les défenses allemandes (notamment, détruire les mitrailleuses), et permettre ensuite à la cavalerie d’avancer. Les Français leur demandent d’attendre (que leurs propres chars soient opérationnels, afin de créer un effet de surprise complet), mais non : le commandant anglais VEUT ses chars. On les envoie donc au combat. Cette première fois est pour le moins confuse. Pas mal de chars tombent en panne en plein no man’s land, d’autres se font péter par l’artillerie teutonne ; certains parviennent à atteindre leurs objectifs, mais la cavalerie ne parvenant pas à suivre, ils se retrouvent isolés au milieu de l’ennemi, et plusieurs finissent par se faire capturer. Point positif : l’apparition des bestiaux a tout de même provoqué une certaine panique chez les Allemands, même s’ils ont fini par se reprendre.
Malgré ce revers, les militaires anglais vont insister, améliorer non seulement les véhicules mais aussi leur doctrine d’utilisation.


De leur côté, les Français ont également travaillé sur le char. Et pour cela, on fait appel à un homme. Non, pas Levavasseur : tout le monde semble l’avoir oublié (à moins qu’il boudait dans son coin, à fabriquer son propre char, avec des tables de black jack et des danseuses orientales). Mais un certain Jean Estienne. C’est un militaire qui aime bien les idées nouvelles (un truc rare) ; on lui a déjà confié le développement de l’aviation militaire avant guerre (pour le réglage de l’artillerie), avec succès. Et dès le début de la guerre, il déclare que le vainqueur sera celui des deux belligérants qui saura mettre un canon sur un véhicule tout terrain.
On lui confie donc le développement de « l’artillerie spéciale ». Pour l’instant, les chars français (Schneider et St Chamond) ressemblent à ceux des anglais, c’est à dire une grosse caisse roulante avec canon en casemate ou sur les côtés. Estienne n’est pas convaincu : il appelle Renault pour lui demander de produire un char léger, en très grosses quantités. L’industriel est déjà occupé à produire des obus, et décline.


Entretemps, les chars français sont engagés pour la première fois à Berry Au Bac, dans le cadre de l’offensive du chemin des Dames – malgré l’avis de Jean Estienne, qui pense que c’est trop tôt. Bien entendu, on ne l’écoute pas, et comme pour les Britanniques, c’est un échec : les chars qui ne tombent pas en panne, ou détruits par l’artillerie ennemie, finissent tout seuls dans les lignes ennemies, et font demi tour. L’artillerie spéciale est sur le point d’être dissoute … mais finalement, le changement de têtes à l’état major la sauve.


Et puis, en 1917, Renault a changé d’avis, et on écoute enfin Estienne. Avec son pote fabricant de voiture, ils conçoivent donc un nouveau char, le char FT : petit, mobile grâce à ses larges chenilles, avec une tourelle à 360° et moteur à l’arrière. Bref, presque le schéma du char moderne. Bon, il avait quelques défauts, comme l’absence de systèmes de communication interne (le chef de char donnait des ordres au pilote en lui donnant des coups de genou pour la direction – un coup à droite, on tourne à droite, un coup à gauche, on tourne à gauche – ou sur le casque pour démarrer/arrêter), une quasi absence de suspensions qui mettait la colonne vertébrale à rude épreuve. Mais il était assez fiable, et surtout, facile à produire : environ 3 700 chars furent fabriqués sur les 18 mois, dans différentes usines. Et il était si bien que de nombreuses armées alliés vont l’adopter, y compris les Etats Unis qui viennent tout juste d’entrée dans le conflit.

Le char Renault FT, sans doute le meilleur de la 1ere guerre mondiale
Le même char, vu de l’intérieur


Pour l’anecdote : il était prévu au départ que les USA produisent le char Renault sous licence dans leurs usines. Sauf que les frenchies ayant envoyé les plans avec des mesures en système métrique, et les ricains utilisant pouces et pieds … bah ça n’a pas bien marché. Le temps que les problèmes de conversion furent résolus, la guerre était finie. Résultat : le corps expéditionnaire américain combattra avec des chars produits en France.


Reprenons. Le matériel est là, en quantité. Reste à l’utiliser correctement. Il faudra attendre mai 1918 pour que les chars français soient utilisés massivement. Et le succès sera enfin au rendez vous. Regroupés dans de grandes formations, avec l’infanterie qui suit juste derrière, et soutenus par les chars « lourds » restants, les Renault FT vont faire merveille. Si bien que ce sera un des éléments (parmi d’autres) du succès de l’offensive des 100 jours.


Et du côté allemand ? Bah le char : on y croit pas trop. Alors oui, à la première rencontre face aux Britanniques, ça a été un peu la panique de voir plusieurs dizaines de tonnes d’acier avancer sans broncher. Et puis finalement, ils sont tombés en panne, et ont fini défoncés par l’artillerie. Du coup, on se dit que c’est une idée pourrie : le char, ça marchera JAMAIS. Les Allemands ne font pas vraiment d’efforts pour améliorer l’idée ; si bien que même s’ils développent un unique modèle (Sturmpanzerwagen A7V), ils en produiront à peine 20, et utiliseront davantage des chars piqués aux Anglais.

Un des rares chars allemands de l’époque, le A7V, en Juillet 1918


On le voit donc : les Allemands, à la fin de la guerre, partent de loin, et même très loin, sur la question du blindé. Vont ils mettre à profit l’entre-deux guerres pour travailler ce point ? Nous le verrons dans l’article suivant.

Pour en apprendre plus :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_Levavasseur

https://en.wikipedia.org/wiki/Gunther_Burstyn

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mark_I_(char)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Char_Schneider_CA1

https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-Chamond_(char)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Estienne (je conseille vivement, le gars a eu une sacré vie)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Char_Renault_FT

https://fr.wikipedia.org/wiki/A7V

Source des images : Wikipédia

La crise des obus de 1915

Aujourd’hui on va parler d’une crise qui n’a pas été anticipé. De responsables qui n’ont pas su la préparer, constituer des stocks ou des filières de production. Et du coup, au bout d’un temps assez bref, on se retrouve à court. L’histoire propagée par des journaux avides de scoops, et qui font des émules dans l’opinion publique, réclamant des têtes (qui tombent … parfois).
Bien entendu, je parle de la crise des obus de 1915. Bien sûr, toute ressemble avec une crise plus récente ne serait qu’une facétie de l’Histoire.

Tout commence en 1914. Cette année là, les Européens décident qu’il est grand temps d’aller joyeusement se planter du fer dans le bidou. Et vas y qu’on est les meilleurs, d’abord nous notre symbole ce sont trois bonasses, alors que vous votre patron c’est un gros moustachu ; ach, z’est pas très chentil de ze moquer de notre kaiser, fiens là qu’on te gasse la tronchje, ezpèze de démocrate ! Des arguments de haut vol s’il en est.

Triple entente vs triple alliance


Cette guerre, tout le monde l’attendait plus ou moins, certains la souhaitaient même (ils la mettaient sur la liste pour Saint Nicolas – le père Noël n’ayant pas commencé son service à ce moment). Mais au final, personne n’y était vraiment préparé. A part les Allemands (encore eux, damned !). En effet, nos brave teutons, soucieux de ne pas déroger à leur réputation d’excellents organisateurs, avaient prévu une guerre moderne (pour l’époque) : artillerie conséquente (notamment lourde), et surtout stocks de munitions et filières d’approvisionnement efficaces.

Tout le monde (y compris les Allemands pour le coup) avait prévu une guerre courte : avant Noël 1914 c’était fini, on serait de retour à la maison. La France avait fait le pari d’une guerre de mouvement, comme en 1870 (caramba ! encore raté). La Russie était un pays encore très rural, son armée, quoique très nombreuse était en cours de modernisation (on avait environ 1 fusil pour 2 soldats). Quant au Royaume Uni, c’est encore mieux : pas de conscription, la guerre on a pas vraiment envie d’y aller, mais là les Allemands ont envahi la Belgique qu’on est censé garantir, donc bon, on y va quand même. (note : pour les autres belligérants, je n’ai pas spécialement de données, mais il semblerait que ce n’était guère plus brillant)
Sauf qu’au bout de quelques mois, le front Ouest se stabilise, la guerre de mouvement est finie, on entre dans l’ère de la guerre des tranchées. Nouveau type de guerre, nouvelle tactique : désormais, avant de monter à l’assaut on tartine les lignes ennemies avec force quantité d’obus, qui, en retour, nous en rebalance tout autant. Ce qui est bien, mais nécessite cependant une chose : des munitions, beaucoup. Or, sur ce point, le Royaume-Uni et la France vont vite se retrouver dépassés.

Le scandale part d’une petite phrase. Nous sommes en Mai 1915, durant la bataille de l’Artois : attaque franco-britannique, qui bien sûr se voulait décisive mais, malgré quelques succès, ne parviendra pas à rompre le front. Un journaliste du Times interroge le commandant britannique, Sir John French (ça ne s’invente pas), et lui demande les causes de l’échec. Ce dernier, ne voulant pas reconnaître ses erreurs, déclare : « nous sommes tombés à court de munitions ». Ce qui est partiellement vrai : par ex. à Neuve Chapelle, le bombardement préliminaire a été raccourci à cause d’un stocks de munitions « faible » (notion toute relative : l’artillerie britannique tirera tout de même + de 200 000 obus).
Quoi qu’il en soit, la remarque fait l’effet d’une bombe au Royaume-Uni. Le Times titre : « The shell scandal » (le scandale des munitions). Les autres journaux en rajoutent une couche. On accuse le gouvernement d’avoir mal préparé le pays, l’artillerie se retrouvant à court d’obus en à peine quelques mois de conflit. Ceci, ajoutés à d’autres débâcles (les Dardanelles notamment), finit par provoquer la chute du gouvernement, remplacé par un gouvernement de coalition. En France, l’histoire fait moins d’émules, mais le même problème se pose. Il faut augmenter la production, non seulement d’obus, mais de tout : du fusil au canon lourd, en passant par les nouvelles armes (bombes pour avions, obus à gaz, pour mortiers, balles de mitrailleuses, …).

Jusque là, la production d’armes et munitions était assurée par des arsenaux d’état. Pour démultiplier les capacités productives, les gouvernements se tournent vers l’industrie privée. Cependant, vu qu’on veut pas non plus les laisser faire n’importe quoi, et pour assurer une coordination nécessaire, on va créer un ministère des munitions, aux prérogatives étendues : de l’approvisionnement des matières premières à l’acheminement dans les dépôts, en passant par le contrôle qualité, les filières de transport, et le recyclage des douilles usagées.
Ces organisations vont monter en puissance, et avoir un impact considérable, non seulement pour les pays concernés, mais aussi pour le monde entier. Des industries diverses sont converties (et notamment, l’industrie automobile – on va y revenir). Les hommes étant au front, on va faire appel à la main d’œuvre féminine (les fameuses « munitionnettes »). Les conséquences sont également sociales : le droit de grève est interdit dans les usines d’armement, la démission sans consentement de l’employeur, parfois il est même interdit de s’asseoir ! En revanche, on s’intéresse aux risque professionnels, à la santé des travailleurs (un ouvrier malade ça travaille moins bien il paraît …), et des progrès sont enregistrés de ce coté.

Des ouvrières anglaises de l’industrie des munitions


Le succès va être progressif, mais réel. Au début, il faut simplifier les procédures de fabrication, former les ouvriers, construire les locaux, acheter les machines, … Cela prend du temps, la qualité en pâtit : presque un obus sur 5 s’avère être défectueux, n’explose pas ou au mauvais moment (souvent, dans le fût du canon, ce qui est préjudiciable aux pauvres artilleurs qui sont à côté). Mais en quelques mois, les problèmes sont résolus et la production explose (au bon sens du terme). On dispose enfin d’assez de matériel pour rivaliser avec les boches.

Un stock d’obus britannique

Et une fois la guerre finie ? Même si les besoins militaires chutent, les conséquences seront durables. L’industrie a profité de sa réorganisation pour devenir plus productive (et notamment, la production automobile). Les soviétiques disaient « quand on sait produire un tracteur, on sait produire un char » ; 30 ans avant, l’inverse s’est révélée tout autant exacte. Pour les obus, on avait besoin de nitrates, qui entraient dans la composition des explosifs ; ils seront utilisés dans la production d’engrais. Et l’industrie chimique, et ses gaz de combat ? Elle va désormais combattre … les insectes.
Prenons maintenant un exemple, de quelqu’un de pas très connu : André Citroën. A l’époque, ce monsieur est avant tout un ingénieur mécanique, et un industriel modeste. Mais André, il a des idées, surtout depuis qu’il a visité les usines d’un certain Henry Ford. Lorsqu’il est mobilisé dans l’artillerie, il constate vite qu’on manque de munitions. Et quand la crise éclate, il en profite : il va voir des responsables de l’armée, et leur dit « filez moi de la thune, je vous filerai des obus ». Soit, banco dit le général responsable de l’artillerie. Il se met au travail. En + de ce que lui a donné l’état, il emprunte de l’argent un peu partout, famille, amis, banques. Il achète des terrains quai de Javel, à Paris, pour agrandir son usine, qu’il fait relier à la voie ferrée à ses frais. Il fait construire avec des matériaux simples et bons marchés, comme de la tôle ondulée. Il se fournit également en machines, notamment des presses industrielles américaines.

Usine Citroën, quai de Javel


Et il embauche : des ouvriers démobilisés, mais aussi des femmes, jusqu’à 50% de la main d’œuvre. Les équipes travaillent jour et nuit, jusqu’à 11h par jour, Dimanche compris. Le règlement intérieur est strict, il est même écrit « Défense de s’asseoir. Défense de causer. Défense de faire grève ». Cependant, il n’est pas indifférent au sort de ses employés : il fait construire une cantine qui sert 3 500 repas, les ateliers disposent d’une pouponnière (on parlerait de « crèche » de nos jours), de services médicaux, et même d’une coopérative proposant aliments, charbon, vêtements et autres produits de première nécessité. Pour l’époque, c’était novateur, même si pas désintéressé.
Comme partout ailleurs, cela prend du temps, mais le résultat finit par arriver. En 1916, il produit environ 10 000 obus/jour, pour finir à un maximum de 50 000 obus/jour. Difficile de se représenter ce que cela fait, mais pour comparaison, au début de la guerre les arsenaux français en produisent environ 13 000/jour. Au total, pour toute la guerre, les usines Citroën vont fournir 26 millions d’obus. Ce qui est pas mal (mais en fait pas tant que ça, toujours par comparaison, à Verdun Français et Allemands se sont échangés 53 millions d’obus).
Et après guerre ? Notre bon Citroën a gagné beaucoup d’argent, et il a prévu le coup : il peut enfin mettre ses idées en œuvre pour l’industrie automobile. L’usine quai de Javel n’est pas démantelée, mais reconvertit pour produire des automobiles. Il faut remplacer les chevaux morts durant le conflit, et quoi de mieux qu’un engin motorisé ? La production est tellement importante que la France produira en 1919 plus de voitures que les Etats Unis ou l’Allemagne. En Janvier, André Citroën annonce un nouveau modèle moitié moins cher que le modèle le moins cher du marché ! Paris devient la capitale de l’automobile. Sans entrer dans les détails, la marque aux deux chevrons connaitra des succès, des échecs, pour finalement devenir le poids lourd que l’on connaît aujourd’hui.

Donc la prochaine fois qu’on vous parlera d’une crise équivalente, et qu’on vous sortir tout un tas de solutions, vous pourrez dire que la dernière fois, on s’en est sorti avec un savant mélange de contrôle étatique, d’initiatives privées, d’assouplissements sociaux et en parallèle de nouveaux droits, et que cela a fini par l’émergence de nouveaux géants industriels. Et bien entendu, l’état a même trouvé le moyen de regagner une partie de l’argent qu’il avait dépensé, avec un impôt exceptionnel sur les bénéfices de guerre. Malin.

Pour aller + loin :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_des_obus_de_1915
https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Citro%C3%ABn
https://fr.wikipedia.org/wiki/Contribution_exceptionnelle_sur_les_b%C3%A9n%C3%A9fices_de_guerre (notre talent national pour créer de nouveaux impôts)
https://www.passionnement-citroen.com/post/histoire-citroen-l-usine-du-quai-de-javel

Sources des images : Wikipédia, blog https://www.passionnement-citroen.com

La Jeune Ecole

Ou quand le journalisme et le débat idéologique s’invitent dans la doctrine de guerre maritime

De nos jours, nous avons le droit sur les réseaux sociaux, à toutes sortes d’excentricités. Des prétendus « experts » se permettent de clamer haut et fort des affirmations basées sur du vide ou des préjugés, sur tous les sujets possibles, y compris les plus techniques. S’il est plutôt sain de s’intéresser à toutes sortes de sujets (par exemple, je ne sais pas, l’Histoire), il est cependant plus que regrettable lorsque les discussions sur un sujet virent à la foire au n’importe quoi. Et notamment lorsque des questions idéologiques viennent se greffer sur un débat pourtant largement éloigné de ce champ.
Prenons un exemple. Supposons d’une pandémie frappe la planète, un virus contre lequel on ne dispose pas de remède. Un médecin propose un protocole de traitement, ce qui provoque une controverse parmi ses collègues : le traitement est il vraiment efficace ? On en discute entre experts : tests, protocoles, etc. . Puis, par le truchement des médias, le débat envahit l’espace public ; après tout pourquoi pas, il s’agit d’un enjeu majeur du moment. Mais là, la magie du « je mélange tout et n’importe quoi ensemble et je secoue très fort comme un vodka martini » arrive à ce que notre médecin se retrouve propulsé comme le défenseur des petites gens, que dis je, le héraut de la contestation du peuple ! Mais … quel est le rapport ? On cherche toujours, mais il doit en être ainsi parce que, voilà. Bref, un excellent exemple où l’idéologique s’occupe d’un sujet intrinsèquement technique, et on en arrive à une situation ubuesque, où le débat raisonnée est la principale victime.
Mais je vous rassure : ce genre de situations n’est pas nouveau ! Et déjà il y a plus d’un siècle, on s’écharpait joyeusement sur une question qui n’intéressait personne jusque là, et dont certains arguments n’auront rien à voir avec la choucroute. Parlons donc stratégie navale à la fin du 19e siècle, et de la doctrine de la Jeune Ecole.

Durant la première moitié du 19e siècle, le combat naval évolue, sous la poussée d’innovations techniques. A noter que la France n’est pas en reste, entre l’invention du canon Paixhans (qui permet de tirer des obus explosifs, et non plus simplement des boulets) et la construction de la Gloire, premier navire occidental cuirassé de haute mer. Par un habile jeu de copier/coller, les autres puissances maritimes du moment se lancent à leur tour dans la construction de ces engins. Et on se retrouve rapidement à une course à qui a le/la plus gros(se) b./p. : le plus gros blindage/la plus grosse puissance de feu. (Pourquoi vous êtes tout rouges ? A quoi vous pensiez par « plus gros(se) b./p. » ?)
On en arrive à des navires de plus en plus gros, grands, et donc couteux. Or, à ce petit jeu qu’elle a elle même initié, la France se retrouve dépassée par sa rivale de toujours : l’Angleterre. Nous sommes après la guerre franco prussienne, la 3e république est en compétition avec la monarchie d’outre manche pour étendre leurs empires coloniaux respectifs, et l’armée de terre a la priorité en cas de nouveau conflit avec le Reich allemand tout neuf. Mais comment faire pour contester la suprématie navale britannique à moindre coût ?

C’est une arme toute neuve qui va lancer le débat, la torpille. Alors toute neuve, pas tout à fait : un obscur savant syrien du 13e siècle, Ahdab al-Rammāḥ, a bien conçu un conteneur oblong rempli d’explosif, propulsé par poudre noire, évoluant sous l’eau et stabilisé par deux ailettes. Ça ressemble à s’y méprendre à une torpille ; mais faute de témoignage, nous ne connaissons pas l’efficacité de cette arme.
Ensuite, fin du 18e siècle, on a l’idée de venir coller une charge explosive directement au contact de la coque d’un navire ennemi. C’est efficace, mais dangereux, car cela demande s’approcher près, très près (et donc de s’exposer aux tirs ennemis), et de surcroît il n’est pas rare que la charge endommage le porteur. Du coup, des ingénieurs austro-hongrois, puis anglais, et américains, améliorent le concept en propulsant l’engin : avec un ressort, de l’air comprimé, ou un mécanisme à inertie. L’avantage de l’arme est énorme : comme la propulsion ne nécessite pas une détonation (comme pour un obus), adieu les lourds et gros canons ; mais surtout, l’explosion se fait sous la ligne de flottaison de la cible. Ainsi, les navires touchés sont assurés de couler, en se remplissant d’eau par de gros trous.
Avec cette nouvelle arme, il est désormais possible à un petit navire de 1 000 tonnes, de couler un monstre de 10 000 tonnes, et à bonne distance. Un contre amiral va pousser ce raisonnement : Hyacinthe Aube.

Celui ci préconise de privilégier de petits navires comme des torpilleurs, mais très nombreux, plutôt que de se reposer sur un nombre restreint de gros navires cuirassés, dont la perte d’un seul représent un gâchis colossal de ressources et d’hommes. La cuirasse n’étant plus capable d’assurer seul la protection d’un navire, il faut construire des navires les plus rapides possibles. La défense des côtes est assurée par un travail de harcèlement des petites unités, basées sur de nombreux points d’appui tout le long du littoral. Et si on doit combattre le Royaume Uni, on sait qu’on ne pourra obtenir la domination des mers lors d’une seule bataille : on va donc l’entraîner dans une guerre de course. Rien à voir avec des affrontements de chariots dans un quelconque supermarché ; il s’agit de perturber le commerce ennemi, en arraisonnant ou coulant les navires marchands. Or, le Royaume Uni a décidé de sacrifier son agriculture à son industrie, et doit donc importer presque la moitié de sa nourriture ; elle serait donc vulnérable à une destruction de son ravitaillement. Vu qu’un blocus semble impossible, on opte pour des croiseurs (rapides et modérément armés), qui iraient en haute mer perturber le trafic maritime.

Rapidement, cette nouvelle doctrine va trouver des partisans, dans la marine mais aussi parmi les politiques ; alors que d’autres soutiendront l’approche traditionnelle basée sur de grandes unités lourdes. Ainsi nait l’opposition entre la Jeune Ecole, et l’Ancienne Ecole. Là où le débat va prendre une tournure imprévue, c’est avec un évènement qui n’a rien à voir avec la marine : la liberté de la presse. En 1881, les journaux sont enfin autorisés à parler de tout et n’importe quoi ; et vu qu’il faut bien remplir ses pages, ceux ci vont commencer à s’intéresser à tout. Le journaliste Gabriel Charmes, qui connait bien l’amiral Aube, trouve que nous sommes proches d’une ère nouvelle, et se met à écrire des articles sur le sujet. Il soutient le point de vue de la Jeune Ecole, et le débat va peu à peu gagner le public.
Mais là, tout va commencer à partir en vrille. Peu à peu, les républicains et les partis de gauche vont soutenir la Jeune Ecole ; non pas pour des raisons pratiques, mais idéologiques : la Jeune Ecole, c’est la revanche du petit sur le gros, de l’humble sur le puissant. C’est aussi une occasion d’attaquer le commandement de la marine, vu comme conservateur et immobiliste. Par opposition, la droite conservatrice va prendre le parti des cuirassés de la Vieille Ecole. On va donc ajouter au débat (qui n’avait pas besoin de cela pour être confus) des problèmes de conflits d’intérêts : les blindages des gros navires font travailler l’industrie de l’acier, et on commence à affirmer que si on ne veut pas renoncer à ceux ci, c’est pour que les barons d’industrie ne pertent pas ce marché juteux ! On ose des comparaisons avec la biologie : le torpilleur qui coule un cuirassé, ce n’est rien d’autre que le microbe de Pasteur, capable de mettre à mal des organismes beaucoup plus massif. Ajoutons à cela des raisons bassement pratiques, le budget de la marine : il est moins couteux de produire des petits navires, même en nombre, que des gros. On le voit donc : d’une discussion sur une nouvelle tactique, on passe à un débat qui n’a plus rien à voir.
Durant les trois décennies suivantes, les partisans des deux écoles vont alterner aux postes décisionnaires. Si bien qu’on passe de l’un à l’autre. Globalement, on va produire beaucoup de ces petites unités, et la mise en oeuvre de cuirassés modernes va prendre du retard. Si bien qu’en 1914, la France n’aligne que 30 cuirassés dont 4 modernes, contre 46 dont 13 modernes pour la Kaiserliche Marine, et 81 dont une trentaine de moderne pour la Royal Navy. Alors que pourtant, la France possède la 4e marine de guerre en termes de tonnage.

Maintenant, vous allez sans doute me poser la question – que tout le monde aurait du se poser dès le départ, plutôt que partir dans des délires qui ont brouillé les discussions : les théories de la Jeune Ecole étaient elles viables ? Et ma réponse sera, comme souvent sur des sujets complexes : oui et non. Dans les faits, cette école va s’avérer largement anachronique : pas en retard, mais au contraire (trop) en avance sur son temps. Et de plus, ce n’est pas forcément le bon pays qui l’aura adopté …
Dans les années 1900, on va commencer à voir apparaître des problèmes dans les théories de la Jeune Ecole. Les navires légers montrent rapidement une mauvaise tenue à la mer, et un rayon d’action limité.

Si bien que, dès qu’ils s’éloignent des côtes, ils perdent en efficacité. Or, la France dispose d’un vaste empire colonial, aux quatre coins du monde : ne pas pouvoir intervenir loin est donc ballot. De plus, les cuirassés ont bien évolué entretemps : ils sont devenus moins vulnérables aux torpilles, car désormais la partie immergée de la coque est à son tour blindée, et on pratique le cloisonnement de sections (ce qui ne garantit plus qu’un tir au but coule le navire). La guerre russo-japonaise va remettre les pendules à l’heure, en consacrant le rôle important du cuirassé. Du coup, demi tour à 180° : la France va se remettre à construire des gros bateaux de guerre. Mais le retard ne sera pas pleinement rattrapé, comme indiqué ci dessus, pour le début du conflit mondial.
La Jeune Ecole semble donc s’être trompée … Et pourtant, la guerre à venir va montrer que certaines de leurs analyses n’étaient pas infondées. Lorsque les hostilités éclatent, tout le monde s’attend à une grosse bataille décisive, où les cuirassés produits par les différents pays allaient s’expliquer à coup de volées d’obus de gros calibre, jusqu’à ce que finalement un seul vainqueur émerge (ou plutôt, ne coule pas), et obtient la domination totale des océans. Mais de fait, elle tarde cette grosse bataille navale : les Allemands hésitent à risquer leurs précieux joujoux face à une Royal Navy chafouine, les Austro-hongrois ont peur des escadres françaises et britanniques de Méditerranée, qui les attendent à la sortie de l’Adriatique. Du coup, les premiers combats sont davantage des escarmouches entre croiseurs, parfois très loin (océan Pacifique, Atlantique Sud … j’en reparlerai ultérieurement). Et finalement, les 31 Mai et 1er Juin 1916, la grande bataille tant attendue a lieu, au large du Jutland : elle ne s’avéra absolument pas décisive. La Royal Navy subira plus de pertes que son adversaire, mais celui ci filera la queue entre les jambes dans ses ports d’attache et n’en bougera plus, conscient d’avoir échappé de peu à une grosse défaite.
Les lourds cuirassés vont donc passer la majeure partie de la guerre dans des ports à rouiller. Leur principal intérêt étant de faire à son ennemi « aha ! regarde les gros bateaux que j’ai, et que je peux t’envoyer dessus si t’es pas gentil ! », bref, de la dissuasion. A noter que les forces de l’Entente vont pouvoir les sortir un peu plus librement, et pourront être utilisés en soutien de combats terrestres (mais ce genre de cas restent rares).

Vous connaissez le vieil adage : « nul n’est prophète en son pays ». Et bien la stratégie de la Jeune Ecole va s’avérer finalement s’avérer payante, à deux détails près : l’arme et le pays.
Pour les armes, la Jeune Ecole a – pour rappel – misé en autre sur le croiseur et le torpilleur. Le croiseur va s’avérer efficace dans certaines situations de combat, ok de ce coté. Le torpilleur par contre, c’est pas ça. Ses avantages – vitesse, grande distance de tir, un coup au but suffit à envoyer n’importe quoi par le fond – vont se faire contrer, non seulement par l’amélioration des cuirassés, mais aussi par le développement d’un navire spécialement conçu pour le combattre, et judicieusement appelé « contre torpilleur » (destroyer en anglais). On ne peut pas faire plus clair. Le contre torpilleur est un navire à peine plus gros qu’un torpilleur, véloce, armé de canons à tir rapide, et parfois même de torpilles ; et on va le mettre en protection des grosses escadres de cuirassés, comme écran anti torpilles. Et ça marche.
Il est cependant un nouveau type de bateau, que la Jeune Ecole va pousser à développer : le sous marin (on parle plutôt de « submersible » à l’époque). La France va en effet construire l’un des premiers submersibles « modernes », le Gymnote, en 1888. A quasi égalité avec l’Espagne et son Peral (2 mois seulement d’avance). Le navire va prouver des capacités intéressantes : s’il a encore moins d’autonomie qu’un torpilleur, et une vitesse très faible, il est par contre furtif, et le prouvera lors de manœuvres. Même si elle n’a pas autant misé dessus que sur le torpilleur, la Jeune Ecole va tout de même promouvoir l’engin, tant et si bien que la France va avoir la 1ere flotte sous marine en nombre au début de la 1ere guerre mondiale, avec 57 unités, devant le Royaume Uni (51) et l’Allemagne (30 unités). A préciser que ses bâtiments de début de conflit sont loin de rivaliser avec les modèles de 1917-1918, mais tout de même.

Mais mais mais … me direz vous, personne ne se souvient des sous marins français, alors que tout le monde a entendu parler du danger des « U-Boot » (pour Unterseeboot, littéralement « bateau sous la mer ») ! Comment se fait il ? Calmez vous : j’y viens.
Pour mémoire : la Jeune Ecole s’est développée, dans l’optique d’un conflit France/RU, où la première n’aurait pas moyen de contester la suprématie navale à la deuxième. Or entretemps, les deux sœurs ennemies ont fini par s’entendre, afin d’aller chercher des noises ensemble au Kaiser. Fini donc le risque de perdre le contrôle de l’océan : grâce à la Royal Navy, on est tranquille. En revanche, c’est le Reich Allemand qui va avoir des problèmes : sa flotte de surface ne peut rivaliser avec celle de ses adversaires, et la seule fois où elle tente quelque chose, elle sue tellement fort qu’elle ne recommencera plus jamais. Pourtant, il y a tous ces navires de commerce anglais qu’on aimerait bien couler. Alors comment qu’on fait ? Diverses réponses seront apportées, mais la principale est, comme vous vous en doutez maintenant : le sous marin. Dès qu’on aura compris l’intérêt de celui ci, l’Allemagne va en produire en masse, au détriment des autres bateaux. Et ça va diablement bien marcher ! Déjà, car contrairement à un cuirassé qui demande plusieurs années de travail, on peut les produire vite : presque 350 sur toute la durée de la guerre (en partant d’une trentaine, je rappelle). Et ils vont se révéler diablement efficaces : comme ils sont discrets, ils sont capables de « forcer » le blocus de la Royal Navy, et d’aller coller joyeusement torpilles et obus dans les navires de commerce britanniques, français, et même autres (car plus on est de fous …). Ce que recherchait la Jeune Ecole avec sa guerre de course !
Du côté des Britanniques, ce sera un peu la panique. On avait pas prévu ce coup ci, on ne sait plus où donner de la tête car on n’a pas assez d’unités pour escorter tous les navires, en plus on ne possède pas encore d’armes efficaces contre ces engins, bref, les plans de guerre sont en train de sombrer. Il faut réagir : on va employer les contre torpilleurs pour les affronter, choix qui va se montrer judicieux. On va surtout développer de nouvelles armes : la charge sous marine (RU), le sonar (France), utiliser l’aviation pour le repérage, des navires leurres. Du coup, du côté de la Triple Entente, on va réduire la production de cuirassés (vu que la Triple Alliance n’ose plus sortir les siens), et accélérer la production d’unités moyennes, comme les contre torpilleurs/destroyers … Tiens, ça ressemblerait pas à ce que préconisait une certaine Jeune Ecole ça ? (bon, certes, pas pour les mêmes raisons)

In fine, on constate que la Jeune Ecole était fort novatrice, peut être trop. Elle a surtout été déployée dans un pays (la France) qui avait un besoin de contrôle maritime, en raison de son empire colonial. Et prévue pour un ennemi (le Royaume Uni), qui sera finalement un allié. En revanche, un autre pays (l’Allemagne) aurait bien fait de l’adopter plus tôt : celui ci a consacré des ressources considérables pour construire une flotte de navires lourds qui ne servira presque à rien ; et obtiendra des résultats bien plus probants avec une flotte sous marine nombreuse, utilisée en harcèlement du commerce (exactement ce que prévoyait la Jeune Ecole). Mauvais pays, mauvaise arme, mais finalement, pas si bête.
A noter que les enseignements de la guerre 14-18 n’ont été que partiellement enregistrés. Les amiraux de nombreux pays vont rester désespérément accrochés au concept de « bataille décisive » de cuirassés, qui n’aura pas plus lieu durant la 2e grande sauterie mondiale qu’elle ne s’est produite durant la 1ere. Cependant, des efforts vont être réalisés pour produire des flottes d’escorte. La palme du nawak revient tout de même à l’Allemagne. Elle a bien vu qu’en 14-18, sa précieuse Kaiserliche Marine n’a servi à rien, si ce n’est gaspiller l’argent du contribuable, et que les sous marins ont par contre joué un véritable rôle (même si non décisif), en créant une vraie inquiétude dans la Royal Navy. Et bien lors du réarmement naval des années 1930, ces leçons seront bien entendu ignorés, par le patron de la marine allemande (Erich Raeder) : il va miser de nouveau sur une flotte de surface et une force sous marine réduite, avec l’accord de Hitler ; jusqu’à ce qu’on se rende compte que finalement, c’était vraiment crétin et on produise – une nouvelle fois – des sous marins en grosse quantité.
Le problème, c’est que les choix respectifs ont parfois été motivés par des arguments absolument pas techniques. En France, le coup de la lutte contre les riches a poussé à adopter une doctrine inadaptée. Tandis qu’en Allemagne, la recherche d’une flotte de prestige (les gros navires, ça claque, les sous marins ça fait de moins belles photos …) a conduit à construire des navires qui resteront à quai la plupart du temps.

Comme quoi, les choix pourris pour des raisons qui le sont encore plus, ça ne date pas d’aujourd’hui.

Pour aller + loin : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeune_%C3%89cole

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gymnote_(1888)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_navale_durant_la_Premi%C3%A8re_Guerre_mondiale

Source des images : Wikipédia