Faut pas taquiner les Belges – 2e partie

Deuxième article sur notre peuple bourrin du moment : les Belges. Et nous allons faire un voyage express à travers le temps, pour passer du Moyen Age directement au début du 19e siècle.

Mais … cela signifie t il qu’en 4 siècles, il ne s’est rien passé dans le plat pays ? Nenni brave lecteur : on peut dire que la région a connu une histoire mouvementée. Longtemps divisé entre différents royaumes, le pays finit par être réuni, avec les Pays Bas. D’ailleurs, l’un des souverains les plus puissants du début du 16e siècle était belge : j’ai nommé Charles Quint. Oui, il n’était ni espagnol, ni autrichien, mais originaire de Gand. Les Belges, pour lui rendre hommage, ont d’ailleurs brassé une bière à son nom. Les actuels Pays Bas firent ensuite sécession, pour devenir les Provinces Unies. Chaque pays évolua dans son coin : le Nord devint une république protestante, le Sud resta catholique, rattachée à une monarchie catholique (Autriche) …
Puis, alors que la France devenait révolutionnaire, les Belges firent de même, pas forcément pour les mêmes raisons (sans doute par esprit de contradiction). C’est la révolution brabançonne, qui finit par aboutir à la création des Etats belgiques unis. Prototype de ce que pourrait devenir la Belgique, le nouvel état ne dura qu’une année, le temps que des Autrichiens bougons viennent rappeler qui étaient les patrons. Puis les armées révolutionnaires françaises viennent à la rescousse de leurs compères : ça devient confus, les Autrichiens repartent, puis reviennent … Ça dure comme ça quelques années, quand le pays est définitivement libéré. La république française y fonde alors une « république sœur », comprendre une république démocratique sur le papier, mais quand même vachement aux ordres de Paris. Finalement, c’est trop compliqué, et l’essentiel de la Belgique contemporaine est intégrée purement et simplement à la France. Tout le monde sur place ne partage pas la même opinion à ce sujet (certains sont heureux, notamment du côté de Liège, d’autres moins), mais Napoléon va mettre tout le monde d’accord ou presque, lorsqu’à force d’imposition (une spécialité française) et de conscription, les Belges vont en avoir un peu marre.
Mais où tout cela nous mène t il ? A la révolution belge de 1830, acte fondateur du pays tel qu’on le connait.

La révolution belge

Comme nombre de mouvements nationalistes du 19e siècle, tout commence avec le Congrès de Vienne en 1815, où les vainqueurs de Napoléon se demandent bien comment on va faire après ce vaste foutoir qu’ont été les guerres révolutionnaires.


Les Belges sont très partagés sur le devenir de leur territoire : la plupart s’estiment être des sujets des Hasbourg, et verraient donc bien un retour à l’état ante révolutionnaire ; d’autres aimeraient bien intégrer la France (toujours du côté de Liège) ; et quelques rares audacieux pensent bien à une Belgique indépendante, mais ils ne sont ni nombreux, ni bruyants.
Cela dit je vous rassure : les monarchies coalisées ne vont tenir aucun compte des avis de la population locale (quelle idée saugrenue ce serait !). Et une fois encore, c’est la perfide Albion qui, à force de manœuvres, va réussir à mettre en avant son projet. La grosse crainte des Anglais, c’est de voir s’installer à l’embouchure de l’Escault (et surtout, le port d’Anvers stratégique pour son commerce), une puissance francophile, voire la France elle même. Les Britanniques parviennent à convaincre les autres pays de faire ce que personne ne demandait : réunir les Provinces Unies (Pays Bas) et les Pays Bas méridionaux (la Belgique en gros), en un seul et unique royaume des Pays Bas, relativement neutre et qui serait ainsi assez gros pour résister – un peu – à une éventuelle agression française. La nouvelle couronne est alors confiée à la maison des Orange Nassau (pour l’anecdote : cette maison est toujours celle qui règne sur les Pays Bas …).

Et que pensent donc les Belges du projet ? Globalement : pas grand chose. Les francophiles ont compris qu’un rattachement à la France ne sera jamais permis par les autres royaumes européens. Les indépendantistes : à défaut d’une véritable indépendance, ils espèrent obtenir une relative autonomie dans le nouveau royaume. Quant aux autres, l’immense majorité silencieux : ils en ont rien à faire, ou plutôt ils sont résignés. Ainsi, sur le papier, le projet semble donc viable …
Sauf que non en fait : rapidement, des problèmes vont survenir. Tout d’abord, linguistique : dans le Sud, on parle français, un peu néerlandais, mais pas le même que dans le Nord. Or, le néerlandais était imposé comme langue officiel dans de nombreuses régions. Ensuite, religieux : le Nord est protestant, le Sud catholique, et même s’il y a une forte tolérance religieuse, la discrimination à l’embauche au gouvernement ou dans l’administration est réelle. Problème économique également : le Nord était très endetté avant l’unification, le Sud moins, et voici que celui ci va devoir payer pour l’autre, ce qui lui plait moyennement. Enfin, problème de discrimination générale : la population du Sud est plus nombreuse, mais moins représentée dans l’administration, dans le corps des officiers, … Bref, les Belges sont grognons.

Guillaume Ier, le roi, entend ses protestations, fait preuve de plutôt bonne volonté en concédant quelques contreparties, mais en refusant la séparation franche entre le Sud et le Nord. Or, un élément très indépendants de sa volonté va complètement réduire à néant ses efforts : la révolution française de 1830, les « Trois Glorieuses », qui chasse Charles X pour installer Louis Philippe dans une monarchie constitutionnelle. Comme pour la première révolution, l’exemple français va s’étendre à travers l’Europe et provoquer des révoltes un peu partout.
Aux Pays Bas du Sud, ça commence également à chauffer ; en plus de tous les sujets de mécontentement évoqué ci dessus, la situation économique n’est guère enviable, avec chômage et inflation. Le pays est un baril de poudre, manque plus que l’étincelle. Et celle ci sera : un opéra, La Muette de Portici.
Oui, le facteur déclencheur de la révolution belge sera un opéra. Comme je vous sens sceptique, je vous dois bien quelques explications. Cet opéra est dans la mouvance romantique de l’époque : rien à voir avec le romantisme mièvre contemporain, le romantisme façon 18-19e siècle consiste plutôt en des amours contrariés et des jeunes gens qui s’entretuent, voire parfois se tuent eux même face à tous les malheurs dont le monde les accable. Pour la Muette de Portici, en gros, on parle mariage forcée, complots et trahisons, sur fond de révolte d’une ville face à un pouvoir étranger. C’est ce dernier point qui va provoquer de vives agitations.


Le 25 Aout 1830, une représentation est donnée à Bruxelles (sur autorisation royale). Sauf qu’à la fin de la représentation, une partie de la foule s’échauffe, crie « vive la liberté », et commence à virer à l’émeute : on commence à piller des magasins, et à incendier des maisons appartenant à des représentants du royaume. Bref, un peu comme ci après une séance au cinéma, à voir « Avengers : infinity war », une partie des spectateurs était allée incendier le siège de Total Energies.
Quoi qu’il en soit, les autorités réagissent peu, et les émeutes gagnent du terrain. La bonne bourgeoisie bruxelloise, inquiète de ne pas voir les forces de l’ordre rétablir la paix civile, décide de former une garde bourgeoise. Dès le lendemain, celle ci était à l’œuvre, et les troubles furent presque stoppées en à peine 3 jours. Les chefs de la garde bourgeoise, conscients de la situation toujours tendue ainsi que du poids qu’ils venaient d’acquérir grâce au rétablissement de l’ordre, envoyèrent une délégation au roi, dans l’espoir d’être ENFIN entendu. A ce stade, il ne s’agit toujours pas d’indépendance : juste d’autonomie.
Dans les autres villes de Belgique, l’agitation se répand à toute allure : des gardes bourgeoises sont levées un peu partout, commencent à supplanter les autorités légitimes, il y a même des volontaires qui affluent vers Bruxelles afin de la défendre contre une éventuelle contre attaque des troupes royales ! Le pays est quasiment en état d’insurrection armée.

Des volontaires de Liège s’en vont participer à la fiesta

Et en réaction, que fait le roi Guillaume ? Il souffle le chaud et le froid. Comme tous les souverains de l’époque face à une telle situation, il envoie la troupe, avec à sa tête ses fils. Mais d’un autre côté, il reçoit également une délégation de Bruxelles. Il accepte de convoquer les états généraux, mais refuse toute concession tant que ceux ci ne seront pas réunis, d’ici 2 semaines environ. C’est une demi concession : il sait probablement que les états généraux seront globalement acquis à sa cause (parce que le Nord y est représenté abusivement), et donc que ceux ci n’accorderont que des concessions mineures au Sud.
De son côté, le prince Guillaume (donc le fils du roi Guillaume … oui c’est pas simple) prévient Bruxelles : il va rentrer dans la ville avec ses soldats, et si la populace ne se calme pas, ça va barder nom de Dieu ! La population, inquiète, commence à dresser des barricades. Le prince se dit que bon, allez, on calme le jeu : il entre en ville, mais sans son armée. Il constate l’hostilité de la population, et les responsables de la bourgeoisie le parviennent à convaincre de parler à son royal papounet. La situation reste tendue, mais semble s’améliorer.

Et que fait donc le roi et les princes dans les semaines à venir ? A peu près rien pour calmer le jeu. Les états généraux doivent avoir lieu fin Septembre, en attendant il ne fait aucune promesse. Et il envoie des troupes pour rétablir l’ordre, ce qui est fort mal perçu. Des volontaires s’organisent en milices pour résister à l’invasion, souvent dirigés par des chefs élus par les volontaires eux même.
Le 23 Septembre, les soldats royaux, dirigés par l’autre prince du royaume, Frédéric, entrent dans Bruxelles. Les chefs de la garde bourgeoise réagissent comme tout chef avisé le fait en pareille circonstance : courageusement, ils prennent la fuite. Sauf que la population, elle, en a gros, et décide de résister. Ainsi, quand les troupes royales commencent à se faire tirer dessus, depuis les fenêtres et les toits des maisons, par les insurgés, pendant que les femmes bruxelloises leur lancent meubles et pots de chambre. Or, personne n’a envie de recevoir sur la tête le pot de chambre d’un Belge. Voyant que la ville résiste, les leaders de l’insurrection reviennent, et commencent à s’organiser. Pour diriger les troupes, on fait appel à un aventurier belgo-espagnol, Juan Van Halen (un tel nom ne laisse aucun doute quant à sa double origine). Pour encadrer les insurgés, il fait appel à d’anciens officiers de la Grande Armée, qu’ils soient autochtones ou émigrés (beaucoup d’anciens officiers français, jugés « trop bonapartistes », ont été exilés suite à la Restauration de la monarchie).
Les troupes néerlandaises n’étaient pas préparées à ça, et sont mises en déroute : elles évacuent durant la nuit du 26 au 27 Septembre, soit même pas 4 jours après leur arrivée. C’est une déroute : dans le reste du pays, des soulèvements en faveur de l’indépendance éclataient. La commission qui dirigeait les volontaires à Bruxelles se transforme en gouvernement provisoire. Et proclame l’indépendance.

La rue de Flandre, le Jeudi 23 Septembre 1830

Ironie du sort : le 29 Septembre, les états généraux du pays, réunis à La Haye, accepte enfin la séparation administrative entre le Nord et le Sud. Mais il est trop tard : pour la population du Sud, la royauté n’est plus légitime après avoir fait couler le sang du peuple. La troupe stationnée dans le pays est constituée essentiellement d’hommes venant de ces régions. Ainsi, ils prennent rapidement sympathie pour le mouvement indépendantiste : les soldats désertent, voire pire, se retournent contre l’autorité royale, n’hésitant pas à enfermer leurs officiers venus du Nord. D’une indépendance proclamée, celle ci devient une indépendance de facto : le roi ne contrôle plus tout le Sud de son royaume.
Le prince Guillaume tente de négocier de son côté : il propose de reconnaître l’indépendance de la Belgique, et d’en devenir le roi. Ainsi, les deux pays seraient bien indépendants, mais liés par une même dynastie. Celle solution est d’abord bien reçue par les responsables indépendantistes, qui sont conscients que les autres rois d’Europe n’autoriseraient pas n’importe quoi en Belgique. Mais un incident vient tout compromettre. A Anvers, les troupes royales reculent, sans livrer combats (sur ordre du prince Guillaume, qui veut éviter des incidents), et s’enferment dans la citadelle. La ville est elle occupée par des volontaires belges ; mais ceux ci sont peu disciplinés, et pas très au courant de la trêve en cours, ouvrent le feu sur les troupes royales … qui ripostent, en bombardant la ville. Résultats, une centaine de morts et de nombreux dégâts.

Suite à ce malheureux incident, on explique au prince Guillaume, que la couronne, il peut se la carrer bien profond : pas question qu’un membre de la maison Orange ne monte sur le trône belge. A défaut de ce prince ci, les autorités du tout jeune pays cherchent donc un autre prétendant : ils savent parfaitement qu’une république belge est inconcevable aux yeux des dirigeants européens, encore traumatisés par les remous de la révolution française.
Après diverses négociations, la couronne est finalement remise à un prince anglo-allemand, Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha (tout en simplicité), qui devient peu de temps après Léopold 1er, roi des belges par la volonté de ceux ci : c’est ainsi le fondateur de la dynastie qui occupe toujours ce rôle de nos jours. Le choix est plus ou moins entériné par les puissances européennes, constatant la forte volonté des Belges (on a pas envie de se les mettre à dos, vu que l’Europe est à deux doigts d’exploser dans une révolution quasi généralisée), et satisfaites du compromis.
Le seul qui n’est pas content, c’est le roi Guillaume 1er, qui perd la moitié de son royaume. Il tente bien de faire appel aux puissances conservatrices : la Prusse et l’Autriche n’interviennent pas ; la Russie, elle aurait bien répondue présente, mais elle est occupée à mater une révolte polonaise. C’est ainsi que s’il doit reconquérir la Belgique, il devra le faire seul.

Le 2 août 1831, il se décide finalement à marcher sur Bruxelles. Il franchit la frontière avec près de 26 000 hommes, commandés par des officiers vétérans des guerres napoléoniennes, et soutenus par l’artillerie. De son côté, la jeune armée belge en cours de formation n’avait que l’expérience des combats de rue et des escarmouches, et n’était pas prête à livrer des batailles rangées. Ce fut la débandade, et les « Hollandais » occupèrent la moitié Nord du pays, durant ce qui fut appelé plus tard la Campagne des Dix Jours.
Mais tout n’était pas perdu pour le tout jeune pays. Des troupes résistèrent, et commencèrent à menacer les arrières de l’armée néerlandaise, qui ne se sentait pas à l’aise dans ce pays qui lui était résolument hostile. Et à peine intronisé, le roi Léopold 1er fit appel à l’Angleterre et à la France, qui s’étaient portés garantes de son indépendance. Si la première ne réagit pas, la deuxième fit preuve d’une célérité remarquable pour l’époque : l’appel à l’aide fut lancé le 8 Aout, le lendemain, l’armée du Nord avait déjà franchi la frontière. Les soldats français avaient reçus l’ordre de ne pas provoquer le combat. Cependant, c’en était trop pour les Néerlandais : ceux ci demandaient en vain l’aide de la Prusse et la Russie, les troupes s’imaginaient déjà encerclés entre les Belges et les Français … et firent donc demi tour.
Une trêve fut signée, qui ne déboucha pas directement sur la paix. En effet, les Néerlandais occupaient toujours Anvers et sa citadelle, et refusaient de l’évacuer. Une nouvelle intervention française, en 1832, permit finalement de la faire tomber aux mains des Belges, grâce notamment au génie du général Haxo … mais ceci est une autre histoire.

Finalement, Guillaume 1er finit par constater la farouche résistance des Belges, et finit par reconnaître l’indépendance. Celle ci a donc été permise par : un opéra, l’hésitation du roi des Pays Bas, la farouche volonté des belges et une intervention française (ne le dites pas trop fort, sinon les Belges risquent de s’en offusquer ; alors qu’il faut reconnaître qu’ils ont fait le gros du boulot tout seuls). L’Histoire est capricieuse, mais le pays pouvait désormais y inscrire ses propres et glorieuses pages …

La mitrailleuse Montigny : première « mitrailleuse » européenne

Depuis des décennies, voire des siècles, on essayait de concevoir en Europe une arme capable de tirer très vite, très beaucoup de balles, afin de tuer très beaucoup de gens. S’il y a eu de nombreuses tentatives, aucune n’a visiblement fait mouche, car n’étant pas entrée dans l’Histoire : soit parce qu’elles étaient toutes pourries (très probable), soit parce que les personnes à qui on faisait la démonstration étaient elles mêmes toutes pourries et n’ont pas vu le potentiel de l’engin (tout autant probable).


Il faudra attendre le milieu du 19e siècle pour que le concept se fraie un chemin. Période propice, car on commence à développer de nouveaux moyens pour tuer autrui à une cadence industrielle : fusils à répétition, canons à obus plutôt qu’à boulets, … Du côté du Nouveau Monde, c’est un certain inventeur du nom de Gatling qui va mettre au point la mitrailleuse éponyme, en 1862, et qui sera adopté en 1865 par l’US Army. De l’autre côté de l’Atlantique, la première armée à adopter un mécanisme équivalent sera donc : l’armée belge, avec la mitrailleuse Montigny (là encore, du nom de son inventeur, l’armurier Joseph Montigny).

Alors attention : quand on parle de mitrailleuse, il ne s’agit pas vraiment de la conception moderne telle qu’elle existe aujourd’hui. Dans le cas de la Montigny, il s’agit en fait de 37 canons, réunis en une seule âme, qui donne l’impression d’avoir affaire à un gros canon percé de plein de petits canons de fusils. Une plaque amovible, à l’arrière, permet d’insérer 37 balles, en face de chacun des canons. Et une manivelle, lorsqu’elle est tournée, permet de déclencher la mise à feu progressive des 37 balles, qui sont alors tirées dans la même direction générale. Si le concept est différent, le principe reste le même : tirer de nombreuses balles, à haute cadence. La cadence de la Montigny justement : parlons en. Elle dépend essentiellement de la vitesse à laquelle on tourne la manivelle, ce qui permet de régler la cadence : coup par coup, rafales courtes ou longues ; au maximum, elle aurait été d’environ 100 coups par minute. Ce qui pour l’époque, est excellent. Bon par contre, le tir est limité à 37 balles : après, il faut recharger, donc enlever la plaque amovible, la remplacer par une autre avec les 37 balles, etc. … Ce qui prend du temps et nécessite de la main d’œuvre. L’engin avait un autre défaut : il était lourd et volumineux, presque autant qu’une pièce d’artillerie de petit calibre, mais c’était également le cas pour la mitrailleuse Gatling donc bon (d’ailleurs, à l’époque les mitrailleuses étaient considérées comme des pièces d’artillerie, et ce jusqu’au début de la Grande Guerre).

La mitrailleuse Montigny et ses deux servants, dont l’un insère la plaque avec les balles

Alors d’accord : les Belges ont inventé la mitrailleuse en Europe. Mais était elle efficace ? La mitrailleuse Montigny n’a pas vraiment connu le feu. Cependant, les Français ont repris le concept dans les années 1860, avec la mitrailleuse De Reffye, ou « canon à balles ». Cette copie est composée de seulement 25 canons, mais avec des balles de plus gros calibre. Elle sera utilisée durant la guerre franco prussienne. Comme souvent avec une nouvelle arme, elle sera mal utilisée : considérée comme une pièce d’artillerie, on a voulu l’utiliser pour effectuer des tirs de contre batterie, c’est à dire pour vaincre l’artillerie adverse. Sauf que la portée de l’arme était limitée (peut être quelques centaines de mètres), par rapport aux canons prussiens qui pouvaient tirer jusqu’à 6 kilomètres : forcément, ça s’est très mal passé. Quelques officiers un peu plus inventifs eurent cependant une idée : et si on utilisait ces armes contre les charges d’infanterie ? Là, le résultat se révéla concluant : outre de provoquer des carnages, l’arme avait un fort impact psychologique. Les canons à balles ne purent cependant empêcher la défaite, à chaque fois vaincue par l’artillerie prusse nettement supérieure en nombre et qualité. Mais les Allemands craignaient tant l’arme qu’ils s’en firent remettre de nombreuses après la guerre pour les étudier.

Le canon à balles Reffye

Dans les décennies qui suivirent, plus personne ne remit en cause l’intérêt de disposer d’une arme à très grande cadence de tir. Gatling améliora son propre modèle, et Sir Hiram Maxim, britannique d’origine américaine, inventa la mitrailleuse Maxim, qui devint le prototype des mitrailleuses modernes monotubes.
Quant au concept de la mitrailleuse Montigny, il s’avéra une impasse technologique : l’arme était lourde, car chaque balle nécessitait son propre canon. Ainsi, si on voulait accroître l’autonomie de tir, il fallait augmenter d’autant le nombre de canons, et donc le poids de l’arme. Le concept n’eut donc aucun descendant après la mitrailleuse De Reffye.

Il n’empêche : les Belges sont bien les premiers en Europe à s’être équipés en mitrailleuses. Et si l’idée d’un Belge armé d’une Montigny ne vous effraie pas, c’est sans doute car vous l’imaginez ayant consommé de nombreuses bières avant.

Ainsi, les Belges du 19e siècle font honneur à leurs lointains ancêtres : il ne valait mieux pas s’opposer à leur envie d’indépendance. Et nous verrons que ceux du 20e siècle s’avéreront aussi redoutables dans un prochain article.

Pour aller + loin :

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_belge

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Muette_de_Portici

https://fr.wikipedia.org/wiki/Campagne_des_Dix-Jours

https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_de_la_citadelle_d%27Anvers_(1832)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mitrailleuse_Montigny

Sources des images : Wikipédia

Faut pas taquiner les Belges – 1ere partie

Il en est ainsi : en France, on aime bien se moquer de nos voisins belges. En atteste une impressionnante série d’histoires comiques, prétendant mettre en scène les habitants du plat pays, sans compter les imitations de leur langage si particulier, ou bien plus récemment les moqueries à propos du fait qu’ils auraient prétendument gagner une compétition mondiale, en 2018, d’un sport peu connu, et qu’en tout cas ils le mériteraient plus que nous.
Cependant, nous devrions être prudents : car en dehors de brasser quelques unes des meilleures bières, et de compter nombre de dessinateurs de bandes dessinées talentueux, les Belges peuvent également se montrer taquins, voire grognons, pour ne pas dire carrément brutaux. Ainsi, ne vous étonnez point si, après une plaisanterie douteuse de trop, votre camarade wallon (ou flamand, si vous êtes hardcore) n’en prenne ombrage, et qu’on retrouve votre cadavre flottant sur la Meuse, la panse remplie de frites et une fricadelle enfoncée dans chaque narine.
Je vous sens septique : allons, si les Belges étaient violents, cela se saurait ! Et bien il semblerait que vous ignoriez maintes choses sur ce pays qui, s’il n’a pas de faits d’armes aussi connus que ses voisins plus grands, n’en a pas moins quelques histoires démontrant la détermination belliqueuse de ces habitants. Je vais de ce pas vous les raconter, en commençant par le Moyen Age. Car si la Belgique n’existait pas à cette époque, elle était déjà peuplée par des gens qu’il ne fallait mieux pas taquiner de trop …

La guerre de la vache

Vous avez cette épisode de Kaamelott, où le paysan Guethenoc explique que sa vache a été volée, et que si on ne le dédommage pas, il va faire cramer le pays ? Et bien cela s’est vraiment produit, à la fin du 13e siècle, mais sur des terres correspondant à la Belgique actuelle.

Tout commence à Andenne, en 1275, lors d’une foire. Un certain Rigaud de Corbion, venant de la ville de Ciney, y aperçoit une vache, qu’on lui a volé récemment. Il alla voir le bailli – sorte de capitaine de gendarmerie de l’époque – de sa région (le Condroz), Jean de Halloy, présent à la foire pour assister à un tournoi, afin de se plaindre. Ce dernier alla voir le prétendu voleur, un paysan du nom de Engoran, qui dépendait lui du seigneur de Goesnes. Comme il n’était pas dans sa juridiction, le bailli Jean de Halloy ne pouvait pas punir Engoran sans provoquer un incident diplomatique. Il proposa l’arrangement suivant : Engoran rend la vache, et il ne sera pas inquiété pour le vol s’il pénètre en territoire du Condroz. Le paysan devant passer sur ces terres pour rentrer chez lui, il accepte.
Engoran rend la vache, puis rentre chez lui, escorté par les hommes du Bailli. Tout se passe bien … jusqu’à ce qu’ils arrivent sur les terres du Condroz, où les hommes du bailli se saisissent de lui (ils ont maintenant le droit), et le pendent à un arbre. Autant pour la parole donnée : de Guethenoc, nous sommes passés à Léodagan.

Tout aurait pu s’arrêter là. Mais Jean de Goesnes, seigneur de Goesnes, dont dépendant ledit Engoran, n’est pas content. Il avait effectivement ambitionné de devenir bailli du Condroz à la place du bailli, et l’avait mauvaise. Probablement qu’il n’en avait rien à faire du paysan en soi, mais il tenait un casus belli : en effet, en tant que seigneur, on ne pouvait punir un serf de mort sans son consentement.
Il envoie donc ses neveux et certains de ses alliés en expédition punitive, détruire le château de Halloy. Jean de Halloy, fort marri par cette impolitesse, passe à son tour à l’offensive, et ravage les terres de Goesnes, incendiant les villages.
C’est là que tout dégénère, comme pour la 1ere guerre mondiale : Jean de Goesnes appelle en renfort le comté de Namur, qui lui même fait entrer dans le conflit le Comté du Luxembourg (Gui de Dampierre, marquis de Namur, étant le gendre du comte du Luxembourg). Ensemble, ils font le siège de Ciney, capitale du Condroz, et après leur victoire, brûlent tous les défenseurs dans l’église, façon Oradour sur Glane. Puis ce fut au tour du prince de Liège d’entrer en guerre, au côté du Condroz, en ravageant les terres de ses adversaires.

La guerre ne prit fin qu’avec l’intervention du roi de France en 1278, Philippe le Hardi, qui siffla la fin de la récré, bon ça suffit maintenant les conneries. Résultats : quand même 15 000 morts. Sans doute ce chiffre est exagéré (les chroniqueurs de l’époque avaient tendance à surévaluer le nombre de morts dans les conflits, c’était plus vendeur). Mais quand même, c’est considérable pour l’époque, et rappelons que tout ça a commencé par le vol d’une vache.

De nos jours, si vous allez en Wallonie, vous pouvez suivre la route de la « Guerre de la vache », balisée par des panneaux. Les Belges se vantent donc d’un énorme bain de sang, pour un unique ruminant.

Ces andouilles en sont si fiers qu’ils en font une attraction touristique

La guerre des Awans et des Waroux

Après Kaamelott, passons à Roméo et Juliette, sous stéroïdes.

Le seigneur d’Awans, Humbert Corbeau, avait donné en mariage, à l’un de ses cousins, une jeune serve du nom d’Adoule, bien dotée (dans le sens qu’elle a une belle dot). Ledit cousin aurait pu ainsi récupérer la donzelle et sa fortune, il aurait pu dire : Adoule, le fric. Après ce lamentable calembour, signalons qu’il est du droit du seigneur d’Awans de marier une de ses serfs comme bon lui semble (et quelque part dans le monde, une féministe vient de mourir ; mais l’époque était ainsi …).
Sauf qu’un jeune écuyer, amoureux de la belle, décida qu’il n’en serait point ainsi, et l’enleva pour l’épousailler, probablement avec son consentement cette fois ci. Sauf que l’écuyer était au service du seigneur de Warroux, Guillaume le Jeune, et donc Humbert Corbeau n’avait pas d’autorité sur lui. Il protesta tout de même par voie légale : il devait prouver qu’Adoule était une serve, ce qu’il ne put faire dans les délais impartis (48 heures). Le seigneur de Warroux refusa de renvoyer la jeune femme et confirma le mariage.

Le seigneur d’Awans apprécia moyennement. Il convoqua tous ceux de son lignage, et présenta ce qu’il considérait comme un affront. Or, les règles de noblesse implique que l’insulte faite à un représentant de la lignée, c’est toute la lignée qui est insultée. Vengeance donc : chaque membre du parti Awans fit le serment de punir l’affront. Promesse faite sur le sang : chacun versa quelques gouttes de son sang dans une coupe, puis y trempa ses lèvres. Heureusement que le VIH ne sévissait pas dans ce coin à l’époque.

Le parti des Awans commence donc à ravager joyeusement les terres des Warroux. Ceux ci, mécontents, entamèrent donc des représailles, qui provoquèrent à leur tour des contre représailles, etc. Le tout entrecoupé de trêves, provoqué par différents motifs, notamment des tentatives extérieures pour faire cesser le conflit.

L’une d’entre elles eut lieu lorsque des troupes au service des Awans, avait mis le feu à une tour où s’était réfugiés des chevaliers du clan des Warroux. Sauf que ladite tour appartenait à l’évêque de Liège, qui n’avait pas donné l’autorisation qu’on crame sa bâtisse. Il força donc les chevaliers des Awans à subir une humiliation publique, qui consistait à effectuer un pelerinage, sans armure et la selle sur la tête. Comme c’était un représentant de l’Eglise, on pouvait difficilement lui dire non, et les chevaliers subirent la punition.

Mais la guerre reprit tout de même, les Awans n’ayant pas bien digéré la punition, et les Warroux étant toujours mécontents qu’on ait tout cassé chez eux.
En Avril 1298, on tenta de résoudre de nouveau le conflit à l’aide d’un duel judiciaire : chaque parti enverrait un champion, et le vainqueur aurait raison et puis c’est tout. Le champion des Awans fit preuve de ruse : il arriva juste à l’heure limite pour le duel, ce qui fit que son adversaire poireauta une demi journée dans son armure à l’attendre. Vu le poids des armures de l’époque, le malheureux partit avec un sérieux handicap, et perdit.
De façon étrange, ce duel ne régla absolument pas le problème, et la guerre reprit de plus belle, chaque mort entrainant des représailles, provoquant à leur tour des morts. Cela aurait pu durer un moment, du moins jusqu’à la mort de tous les belligérants … ceux ci se débrouillant pour impliquer toujours plus de monde dans leur petite guéguerre familiale.

C’est ainsi que le seigneur d’Awans, le seigneur de Waremme (le précédent, Humbert Corbeau, est mort depuis quelques années déjà, tué dans une bataille), décide que tout cela n’est pas assez compliqué. En Aout 1310, il tend une embuscade à Henri de Hermalle, qui n’avait rien à voir avec la choucroute (il était neutre jusque là), mais qu’il n’aimait pas. Celui ci fut laissé pour mort sur le champ de bataille ; mais il avait survécu, et un peu énervé qu’on ait tenté de le tuer, décide de rejoindre les Warroux, dont il deviendra même le chef militaire.

On continua les échanges de politesse, en détruisant tour à tour les châteaux des uns et des autres. Jusqu’en 1325 où l’on décida que ça suffit : on va s’expliquer sur le champ de bataille, vas y ramène tes gros on va te défoncer le harnois. Bien que le prince-évêque de Lièges envoya des émissaires pour empêcher la boucherie, cela ne suffit pas, et le 25 Août, les deux camps s’étripèrent joyeusement. Bien que le parti Awans ait globalement gagné, les pertes étaient telles qu’on décida d’une nouvelle trêve, chacun rentrant chez lui pour panser ses blessures. Cette fois ci, le conflit ne reprit pas vraiment, chaque camp ayant trop perdu pour ré engager les hostilités.

La guerre prit fin avec l’implication du prince évêque de Liège, qui avait déjà tenté de mettre fin au conflit plusieurs fois. Il organisa une assemblée, qui finit par amnistier tout le monde de tous les crimes commis, invitant également à oublier tout ce foutoir, et que si quelqu’un venait à vouloir se venger de nouveau, il serait puni le vilain. Et pour sceller la paix, on utilisa le moyen classique du Moyen Age européen, c’est à dire le mariage : on maria le fils de l’un avec la fille de l’autre.

De fait, le conflit ne repartit pas : les pertes humaines parmi la noblesse de la région étaient elles qu’ils ne pouvaient de toute façon plus se le permettre. La guerre dura tout de même de 1297 à 1335, soit 38 années (même si les 10 dernières furent + calmes). On parle, selon les sources, entre 500 et 30 000 morts (on dirait les chiffres d’une manifestation, version police et version manifestants). Ce qui est sûr, c’est que cela entraine une perte d’influence de la noblesse, au profit de la bourgeoisie en plein essor, grâce à la prospérité des villes commerçantes.

La bataille des éperons d’or

Jusqu’à maintenant, nous avons parlé de guerres entre Belges, certains pourraient me dire que ça ne compte pas. Ne vous en faites pas, nous allons y venir.

Nous sommes en 1302. Jusqu’à récemment, le comte de Flandre était un vassal du roi de France, Philippe le Bel. C’est à dire que le comté était largement autonome, mais sa loyauté allait envers la couronne française ; bref, le classique serment de vassalité médiéval.
Sauf que les Flandres étaient extrêmement prospères, grâce à l’industrie textile, ce qui avait permis un essor conséquent des villes et de la bourgeoisie, qui avait donc un poids économique, mais également politique. L’activité textile dépendait de l’importation de laine anglaise, et donc la région était étroitement liée au royaume d’Angleterre.
Ainsi, quand Philippe le Bel déclara la guerre à l’Angleterre, pour récupérer l’Aquitaine, le comte de Flandre, Gui de Dampierre, se retrouva dans une position délicate : lié à son suzerain par un serment d’allégeance, pressé par la bourgeoisie de sa région de le rompre. Pour s’en sortir, il dégaine – encore – l’arme diplomatique ultime de l’époque : le mariage. Avec les Anglais. Comme ça, hop : il quitte le service du roi de France pour rejoindre son ennemi.
Cela dit, là où le comte de Flandres fut un peu neuneu, c’est qu’il en parla au dit roi, lors d’une visite à Paris. Ce dernier, peu enclin à accepter ce changement d’alliances, l’emprisonna purement et simplement, avec ses deux fils.
Philippe le Bel finit par le libérer, en le faisant promettre que hein, ce mariage c’est pas une bonne idée, allez laisse tomber gros ! Gui de Dampierre fait mine que oui oui, d’accord, on oublie tout … puis il rentre chez lui, rallie les opposants à la France, et en 1297, se déclare « détaché de toute obligation féodale », en gros, il proclame l’indépendance. Et de fait, la guerre.

Le roi de France réagit, et envoie ses troupes occuper le comté, qui prennent initialement le dessus. Sauf que les Flamands, mécontents que l’on parle français dans leurs rues, se révoltent en masse, et suite à un coup de force (les matines de Bruges), massacrent soldats et partisans français, environ un bon millier. Le pays change de nouveau de main, et le roi de France ne tient plus que deux forteresses, dont l’une d’entre elles est Courtrai.

Cette dernière est rapidement assiégée, et Philippe le Bel prépare alors une expédition de secours, afin d’aller calmer tout ce petit monde qui parle une drôle de langue. L’avant garde française se porte au secours du château assiégé, où les attendent les Flamands.

D’un côté, les Français alignent environ 10 000 hommes, donc un quart de chevaliers et d’écuyers, des arbalétriers et des hommes d’armes, bien entrainés et équipés. Les chroniqueurs de l’époque parlent de beaucoup plus d’hommes, jusqu’à 50 000, mais ceux ci avaient souvent tendance à exagérer, car plus vendeurs (l’ancêtre du putaclic). De l’autre, un nombre à peu près équivalent, mais essentiellement des fantassins issus des milices, donc des conscrits venant de villes, avec un entrainement variable, allant de plutôt bien à carrément nul.

Les chevaliers français sont sûrs de gagner : ils chargent sans trop réfléchir, de front. Deux éléments vont se retourner contre eux :

  • le champ de bataille ; il est étroit, avec d’un côté un fleuve (la Lys), de l’autre des marécages et un grand fossé (probablement un ancien lit du fleuve désormais asséché). Le terrain est globalement boueux. Autrement dit, le pire pour une charge de cavalerie lourde, avec peu d’espace pour manœuvrer et se replier en cas de pépin
  • les armes des milices : celles ci sont largement équipées avec des sortes de lances, le godendac, et des piques. Ces armes, même entre des mains peu expérimentées, s’avèrent redoutables pour les chevaliers en armure lourde.

Les charges s’embourbent dans le terrain boueux, perdent tout impact arrivées sur la ligne de bataille, et se font stopper par les godendacs. L’une après l’autre, les vagues de chevaliers échouent, ajoutant de la confusion au chaos ambiant. Les cavaliers ne peuvent plus manœuvrer. Seule l’arrière garde française, voyant le dawa, décide de faire demi tour (on verra qu’ils n’ont pas eu tort).

A l’époque, quand des chevaliers s’affrontaient, il était de bon ton d’épargner si possible son adversaire, pour le faire prisonnier et le rançonner. Officiellement, car entre bons Chrétiens, on évite de faire couler le sang (en tout cas quand on est noble ; les pauvres bien entendu, ça ne compte pas). Officieusement, ça arrange tout le monde : le prisonnier, car il évite de mourir (et c’est bien) ; le vainqueur, car il peut ainsi obtenir une rançon (cela devient vite une source de revenus pour la noblesse, du moins tant qu’on gagne).
Du coup, nos chevaliers français, constatant que la bataille est perdue, commencent à se rendre, selon la coutume. Sauf qu’en face, nous avons des miliciens, pas du tout des nobles, et pas au courant de ce genre de pratiques. Ainsi, lorsque les chevaliers s’approchent pour se rendre, nos braves flamands croient à une attaque désespérée ; et ils massacrent allègrement tout ce beau monde.

C’est une véritable hécatombe coté français : environ un millier de morts. Pour l’époque où, comme je l’expliquais, on essaie généralement d’épargner l’ennemi (pour en soutirer le maximum de flouzes), c’est beaucoup. Mais surtout, de nombreux chevaliers, y compris des nobles de haut rang, y laissent leurs vies : presque tous les commandants sont ainsi tués, à part celui de l’arrière garde (qui a eu le bon sens de faire demi tour).
Après la bataille, les miliciens récupèrent les éperons des chevaliers morts au champ d’honneur, et ceux ci sont envoyés décorer l’église Notre-Dame de Courtrai. D’où le nom donné à la bataille.
Grâce à cette bataille, le parti flamand peut prendre le contrôle du pays : c’est le début du sentiment national, et une indépendance de fait. La victoire, aussi brillante soit elle, n’est cependant pas décisive et de courte durée : le roi de France peut en effet lever une nouvelle armée, même si cela lui demande du temps et de l’argent, deux choses dont il ne manque pas. La guerre tourne de nouveau à son avantage, surtout qu’il a compris la leçon, et avance prudemment. Il finit par obtenir la victoire 2 années plus tard, mais préfère négocier une paix intelligente, à son avantage, et la Flandre retourna sous le giron royal.

Un tableau représentant la bataille de Courtrai, peint au 19e siècle

Cependant, l’idée d’indépendance était là, et reviendra plusieurs fois dans l’Histoire. Quant aux éperons, ils seront finalement récupérés en 1382, par le roi Charles VI.

Alors, on le voit bien : il ne faisait pas bon déranger les ancêtres des Belges. Mais les modèles plus récents sont ils moins farouches ? Nous verrons cela dans un prochain article.

Pour aller + loin :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_la_Vache
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Awans_et_des_Waroux
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Courtrai_(1302)

Sources des images : Wikipédia