Quelques mensonges du Kremlin sur l’Ukraine

Nous sommes ici sur un blog qui parle d’histoires, et d’Histoire. Je ne vais donc pas commenter l’actualité, fort riche en ce moment et qui va probablement marquer date dans le grand livre de l’Histoire. Il y aurait pourtant fort à dire, mais ce n’est pas le but de ce blog. Quand j’ai commencé à écrire les pages où vous vous trouvez, je désirais faire réfléchir, amuser, pousser la curiosité et partager ; mais également parfois rappeler, contre les préjugés et les manipulations, que les faits sont têtus et à la portée de celles et ceux qui veulent bien se donner la peine d’y regarder de plus près. Bien entendu, je ne suis pas historien, aussi je vous ai toujours invité à ne pas me croire sur parole, à creuser ce que je vous dis, à vérifier, et à vous forger votre propre réflexion, tant que celle ci se base sur la base large de concret, de vérifiable. Et en tant qu’amateur d’Histoire, je m’élèverai toujours contre les personnes peu scrupuleuses, puissantes ou faibles, qui n’hésitent pas à mentir, à tordre le fait historique pour des intérêts passés, présents ou futurs. Car quelques soient leurs intentions, mentir sur l’Histoire finit toujours par aboutir à une catastrophe.
Or, cette terrible guerre qui fait rage à l’Est de l’Europe, a fait une victime, bien avant que les premières bombes ne tombent, et que les premières rafales ne soient tirées. Cette victime, tombée sur le champ de bataille médiatique, c’est ma bien aimée Histoire, criblée de mensonges par un régime qui cherche à justifier l’injustifiable. Si d’autres, bien plus talentueux que moi, sauront la soigner, permettez moi au moins de lui appliquer quelques pansements.

L’Ukraine est une invention des bolchéviques ?

Durant l’Antiquité, les territoires correspondants à l’Ukraine actuelle ont connu différentes vagues de peuplement (comme à peu près toute l’Europe en fait) : peuples nomades d’Asie mineur ou centrale, Grecs, puis peuplades germaniques ou d’Europe centrale. Puis, au 8e siècle, les Varègues (vikings de Suède), prennent la ville de Kiev, et fondent un Rodslagen (« état des rameurs »), ou en protoslave : Rous’. Et oui, c’est bien de là que vient l’appellation « russe ». Cet état s’étend sur le Nord de l’Ukraine, la Biélorussie et l’Ouest de la Russie, et divisé en principautés. On parle également de la Ruthénie.
Le pays est prospère, mais s’affaiblit peu à peu à force de divisions … et se fait envahir par les Mongols et les Tatars. Ces deux peuples dominèrent la région, et n’étaient pas forcément connus pour être bienveillants : de nombreux autochtones prirent la fuite pour la Pologne, la Hongrie, la Moldavie, et une partie de la Crimée (sous contrôle byzantin).


Puis, un siècle plus tard, les Polonais et les Lituaniens parvinrent à repousser l’empire mongol, surtout dans le Nord Ouest. Les deux pays se partagent les terres conquises, et rebâtissent villes et villages. La noblesse se « polonise », et introduit le catholicisme parmi les populations de l’Ouest, tout en faisant preuve de tolérance vis à vis des orthodoxes. Elle accepte également l’émergence de cosaques, des populations de l’Est qui refusent la domination polonaise et catholique, mais qui sont « tolérés » comme arme contre les Tatars.
Mais les mêmes cosaques finissent par se rebeller contre le pouvoir polonais, et libèrent peu à peu le territoire. De là, ils fondèrent un état cosaque autonome, lié à la Russie, appelé « Ukraine », ce qui signifie « marches » : le nom du pays suggère donc une position tampon. Le pays était appelé Hetmanat (dirigé par un Hetman), dut lutter contre la Pologne et la Russie pour garder son indépendance ; mais il était également l’un des plus alphabétisés d’Europe, avec une culture riche. Hélas, le pays finit par devenir un vassal de la Russie, qui l’utilise pour combattre les Ottomans et les Polonais. Le Sud est quant à lui sous contrôle tatar et turc. L’Ouest (région appelée Galicie) est intégré à l’Autriche suite au partage de la Pologne entre ce pays et la Russie. Catherine de Russie réduit l’autonomie des Cosaques, et la partie russe de l’Ukraine est directement assimilé à son empire. L’Ukraine est partagée entre plusieurs puissances, et cesse d’exister.


Mais le 19e siècle arrive, avec ses poussées de fièvre nationaliste, partout à travers les empires multinationaux. Et l’Ukraine n’y échappe pas. Et comment réagit la Russie ? Officiellement, pour elle : l’Ukraine n’existe pas. La culture ukrainienne, notamment sa langue, connait une renaissance. Tout naturellement, les autorités russes réagissent bien naturellement … en interdisant l’apprentissage de l’ukrainien, et en pratiquant une russification forcée.


Et puis la 1ere guerre mondiale arrive, ce qui provoque un affaiblissement des grands empires russes et austro-hongrois, et un retour des volontés d’indépendances nationales. En Mars 1917, alors que la Russie est en proie à la révolution, l’Ukraine déclare son indépendance ; et en novembre de la même année, la Rada centrale, assemblée ukrainienne, proclame la République populaire ukrainienne, assez rapidement reconnue par la France et la Grande Bretagne. La suite est assez confuse : les Bolcheviques, qui ont pris le pouvoir en Russie, occupent le nouveau pays … puis suite à la paix négociée avec les Allemands, l’évacuent, ce qui permet le retour des autorités nationalistes. Différentes factions, internes ou externes, se disputent le pouvoir ; comme d’habitude, c’est la population qui en paie les frais, entre « réquisitions » et combats.


Finalement, à l’instar du voisin russe, ce sont les Bolchéviques qui finissent par l’emporter, et une grande partie du pays rejoint l’URSS, comme la république socialiste soviétique d’Ukraine (quelques territoires de l’Ukraine actuelle, à l’Ouest et au Sud, rejoignant d’autres pays, Pologne, Roumanie et Tchécoslovaquie). L’Ukraine est tout d’abord bien traité par le nouveau régime (ou du moins, pas plus mal que le reste du pays) : la langue et la culture ukrainienne sont autorisées, contrairement à l’époque impériale ; un certain fédéralisme est même instauré. Puis, Staline accède au pouvoir, et siffle la fin de la récré. Si je n’ai pas d’éléments indiquant une répression culturelle, il surveille cependant de très près toute velléité nationaliste (comprendre : il met au goulag ceux qui parleraient un peu trop fort d’autonomie).


La région est d’importance pour l’URSS, et va servir à l’industrialisation forcenée des plans quinquennaux. Tout d’abord, grâce à l’exploitation minière, de la région du Donbass notamment, et à l’exploitation hydroélectrique (construction sur le Dniepr du plus grand barrage d’Europe, qui fonctionne toujours) ; mais c’est surtout en tant que grenier à blé que l’Ukraine va être exploitée : pas tant pour nourrir la population grandissante des villes, que pour exporter les « surplus » afin de financer l’industrie naissante. Et quand je dis « surplus », les guillemets ont leur importance : les autorités soviétiques avaient tendance à surestimer les récoltes, pour exporter davantage … quitte à laisser les paysans mourir de faim (de toutes façons, ils ne votent pas communistes, même s’il n’y a personne d’autre pour qui voter). C’est en partie dans ce contexte qu’aura lieu l’Holodomor, la grande famine qui touchera l’Ukraine et l’URSS dans une moindre mesure. Mauvaise gestion des autorités centrales, punition envers les paysans qui refusaient la collectivisation, génocide ? Les historiens débattent encore, le débat ne sera pas tranché ici. Mais cet épisode dramatique va constituer l’un des fondements du récit national moderne.
La seconde guerre mondiale passe, avec son lot de morts et destructions supplémentaires. Je n’en parlerai pas plus ici (je le ferai un peu plus bas). Le pays continue sa vie au sein de l’URSS de la Guerre Froide. Puis en 1986, nouvelle catastrophe, nucléaire cette fois ci : Tchernobyl. Après avoir été un grenier surexploité sous Staline, les Ukrainiens se demandent s’ils ne sont pas maintenant devenus une poubelle pour déchets nucléaires.
Avec l’effondrement de l’URSS, le nationalisme ukrainien reprend de la voix, et aboutit en 1991 à une nouvelle indépendance, votée à + de 90% par référendum. Durant les années suivantes, le pays va osciller entre Ouest et Est, entre volonté d’européisation et liens historiques avec la Russie. Nous n’irons pas plus loin.

Ainsi, l’Ukraine est elle une invention de Lénine, comme le clamait un chef d’état récemment ? Dans ce cas, pourquoi aurait on eu besoin de la russifier durant le 19e siècle ? Comment une république ukrainienne aurait pu exister avant même la naissance de l’URSS ? Il faut reconnaître que russes et ukrainiens ont un passé qui pourraient les rapprocher. Cela dit, l’identité nationale ukrainienne existe bien, et ce depuis longtemps ; comme d’autres nations à travers le monde, ce sont différentes guerres et tragédies qui ont forgé ce sentiment national, en réaction à d’autres qui auraient voulu l’étouffer.
Et de surcroit, historiquement, c’est bien la Rous de Kiev qui précède la naissance de Moscou ou de la Russie : à défaut donc, si les deux pays doivent s’unir, c’est en toute logique à Poutine de se soumettre à Zelensky, et à lui remettre les clés de son pays …

https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l%27Ukraine
https://www.lemonde.fr/international/video/2022/03/24/l-ukraine-a-t-elle-ete-creee-par-la-russie_6118906_3210.html (vidéo réalisée par Le Monde, après que j’ai commencé à rédiger mon article, mais il m’a fallu un certain temps pour le finaliser … il dit peu ou prou la même chose)

Armes nucléaires et Ukraine : le mémorandum de Budapest ?

Vous avez pu entendre parler du « mémorandum de Budapest » ces dernières semaines, voire mois ou années, selon votre degré de suivi de l’actualité. Mais de quoi s’agit il ? Pourquoi le président russe parle t il d’une remise en cause de celui ci en prétendant que l’Ukraine veut se doter de l’arme nucléaire ? Et pourquoi cette accusation est un énorme foutage de tronche (que l’accusation soit vraie ou fausse) ? Voyons de quoi il en retourne.

L’URSS se disloque en 1991 : les républiques soviétiques qui la composent deviennent indépendantes, dont l’Ukraine (comme dit ci dessus). Or, l’ancienne superpuissance avait disposé de nombreuses forces à travers toutes les régions, y compris en Ukraine bien positionnée géographiquement. Et parmi ses forces, des armements nucléaires.
Lorsque l’URSS s’effondre, chaque pays hérite à peu près naturellement des armements « sur place » pour constituer leurs nouvelles armées. L’Ukraine ne fait pas exception, et se retrouve en possession d’un imposant arsenal nucléaire. Mais ceci ne plait guère aux USA, à la Russie, et aux autres pays du petit cercle des puissances nucléaires, qui aimerait bien que leur cercle reste toujours petit. Ainsi, l’Ukraine, mais aussi la Biélorussie et le Kazakhstan, sont approchés par les Etats Unis et la Russie, afin de négocier : tu rends les bombinettes, tu n’en fabriqueras pas d’autres, et en échange, on te promet qu’on te défendra au cas où … C’est le protocole de Lisbonne de 1992.
Sauf que l’Ukraine (et un peu les autres) traînent des pieds : elle veut bien … mais en échange, elle aimerait qu’on lui fasse des promesses. Promesse de la défendre en cas d’invasion, aide économique, non ingérence dans ses affaires. Du coup, les négociations prennent un peu plus de temps, mais on finit par se mettre d’accord : en 1994, est signé le fameux mémorandum de Budapest, entre l’Ukraine, la Russie, les USA et la Grande Bretagne. Le premier s’engage à détruire ou remettre à la Russie tout ce qui lui reste en armes nucléaires, et à ne pas en fabriquer d’autres. En échange, les autres s’engagent à respecter l’intégrité territoriale ukrainienne « en l’état », à ne pas l’attaquer ou utiliser d’autres moyens de pression (y compris économiques) pour influer sa politique. Voilà …

Ceci étant dit, faisons donc la comparaison :

  • d’un côté, la Russie accuse l’Ukraine de développer un programme nucléaire militaire (sans preuves jusqu’à maintenant), et ce depuis fin 2021/début 2022 uniquement
  • de l’autre côté : l’Ukraine a subi de nombreuses pressions de la Russie, y compris économiques (pourtant interdits dans le mémorandum), notamment avec un gros chantage au prix du gaz, et ce dès le début des années 2000 ; en 2014 elle se voit annexée une partie de son territoire reconnue internationalement, y compris les signataires de Budapest, et justement par l’un des dit signataires (lequel d’après vous ? toujours le même) ; et une nouvelle fois … la Russie envoie ses armes dans un conflit séparatiste, et finit par reconnaître lesdits séparatistes, violant encore et toujours la parole donnée (est on à ça près). Alors, finalement, envahir le pays et le saccager avec presque toutes les armes possibles et imaginables, finalement, n’est que la suite logique d’un non respect total de ses engagements

Je crois que le match est clair.

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9morandum_de_Budapest

Les nationalistes ukrainiens ont collaboré avec les nazis ?

Certains affirment que l’Ukraine est une nation de « traîtres » et de « nazis ». La preuve : durant la 2e guerre mondiale, la population du pays a massivement collaboré avec l’occupant allemand, fournissant même des troupes pour combattre l’Union Soviétique, et certaines sont même entrer dans les SS. Regardons y de plus près.

L’Ukraine, nous l’avons vu ci dessus, a particulièrement souffert de la période stalinienne ; au même titre que le reste de l’URSS, mais un peu plus quand même, avec l’Holodomor. Si bien que la Wehrmacht, préparant l’invasion du pays, se demande si y’aurait pas moyen de s’entendre avec ces gens là, des fois que … En fait, dès les années 1930, l’Allemagne nazie accueille des nationalistes ukrainiens qui ont fui leur pays, et prépare avec eux un éventuel soulèvement contre « l’occupant » communiste.


Lorsque les troupes allemandes déclenchent l’assaut, elles progressent rapidement sur les territoires ukrainiens (la zone devenant même objectif prioritaire en Septembre 1941, pour s’assurer le contrôle de la production agricole et minière). L’accueil de la population est très variable : plutôt chaleureux dans l’Ouest, qui les perçoivent comme des libérateurs, mais bien plus glacial dans l’Est. Au départ, l’occupant nazi fait des efforts afin d’être bien accepté : la répression se concentre sur les communistes et les juifs. Des forces de police « locales » sont créées pour administrer les territoires, une armée insurrectionnelle ukrainienne commence à voir le jour, pour libérer définitivement le pays de la présence soviétique, et aider l’allié allemand à vaincre cet adversaire honni.


Mais assez rapidement, les nazis vont revenir à leurs habitudes de gros bourrins. On explique aux nationalistes que hahaha, non, votre indépendance vous pouvez vous asseoir dessus. Par contre, n’hésitez pas à vous battre pour nous. L’armée insurrectionnelle est dissoute, transformée en force de répression anti partisans. Ceux qui ont vraiment envie de bouffer du bolcho sont invités à rejoindre des divisions SS incluant des combattants étrangers ; une division entière va même voir le jour, la 14e division SS « Galicie » (la Galicie étant une région de l’Ouest). Quant à la population, elle sera tout simplement exploitée et martyrisée, au gré des réquisitions et représailles anti résistance. Autant dire que rapidement, les Allemands passent du statut de « potentiel libérateur » à celui de « gros enfoiré ». Malgré tout, cela n’empêchera pas les volontaires des forces auxiliaires de continuer leur collaboration, prenant une part importante dans la lutte anti partisans aux côtés des Einsatzgruppen ; ils feront même preuve d’une très grande brutalité dans ces opérations, commettant moult crimes contre leur propre population. Ces jusqu’au-boutistes seront même des opposants acharnés au retour de l’Armée Rouge lors des offensives soviétiques de 1943-1944, menant à leur tour des opérations de guérilla (dans un certain sens, ils savaient qu’ils n’auraient pas le droit au « pardon, bisous, c’est fini, on va faire comme si rien ne s’était passé »).

Alors oui : il s’est bien trouvé des Ukrainiens pour collaborer activement avec le 3e Reich, aidant même ce dernier à martyriser ses propres concitoyens. Entre la police locale, les auxiliaires anti partisans et les volontaires SS, ils ont peut être été quelques centaines de milliers. Cela dit, cela suffit il à catégoriser tout un peuple comme traître et ayant une tendance naturelle à brandir en l’air son bras droit ? Nous avons un des deux côtés de la balance ; permettez moi d’ajouter, de l’autre côté, deux poids conséquents.

Le premier : si des dizaines voire centaines de milliers d’Ukrainiens se sont battus au côté des nazis, ils ont été des millions à combattre pour l’Armée Rouge. Sur les 11 millions de soldats soviétiques morts au combat, on estime qu’environ 1,7 million étaient des Ukrainiens pur souche (environ 16%), ce qui montre bien le sacrifice fait pour la victoire. De plus, dès les premiers jours de l’invasion, une partie de la population a monté un mouvement de partisans, au même titre que les autres territoires occupés. S’il a peut être été moins actif que celui de Biélorussie, c’est en partie à cause de la géographie : là où cette dernière présente de nombreux marécages et forêts (propices à la dissimulation et à la guérilla), les vastes plaines d’Ukraine offrent moins d’opportunités. Ce qui est sûr, c’est que si des Ukrainiens ont participé à l’éradication de la résistance, c’est bien qu’il y en avait une ! D’ailleurs, les autorités soviétiques seront elles même reconnaissantes envers les efforts de l’Ukraine : plusieurs villes seront proclamées « héros de l’Union Soviétique », notamment Kiev, le pays lui même va obtenir un siège au conseil des nations unies (alors qu’appartenant à une entité possédant déjà un siège ! il me semble que c’est le seul cas où cela est arrivé), et se verra récompenser quelques années après la guerre, par le transfert de la Crimée.


Le deuxième : certes des Ukrainiens ont collaboré … mais il ne faudrait pas occulter le fait que des Russes l’ont également fait ! (ah, la mémoire sélective d’un homme âgé …) Le plus célèbre était sans doute Andreï Vlassov, général de l’Armée Rouge. Lorsqu’à la tête de la 2e armée de choc, il fut fait prisonnier par les Allemands, il leur proposa ni plus ni moins de combattre pour eux, afin d’aller couper la moustache au petit père des peuples. Rien que ça ! Dans la catégorie trahison, pour quelqu’un qui était considéré comme un héros dans l’armée soviétique, c’est un bon champion. Il proposa même à ses nouveaux Freunden de lever une « armée de libération russe », comprendre une armée de volontaires qui iraient se taper du rouge, en recrutant chez tout ce que l’union soviétique comptait de mécontents (notamment des anciens « blancs »), mais également dans les prisonniers de guerre (à qui on offrait un super marché : soit mourir dans des camps, en travaillant jusqu’à épuisement, soit mourir en tuant ses anciens camarades). Si les nazis étaient très réticents à filer des armes à ceux qu’ils étaient en train de massacrer, ils finirent par accepter, afin de combler leurs pertes toujours plus grandes. Cela représenta jusqu’à 50 000 combattants. Sauf que comme on avait peur qu’en combattant dans leur pays, ces hommes ne finissent par trahir, on les envoya loin … en Normandie par exemple. Sauf que privés de l’idée de participer à la « libération » de leur pays (libération très relative, vu ce qu’avait prévu Hitler pour les peuples de l’URSS), ils ne se montrèrent pas très combatifs non plus. Bref, une idée de Scheisse ; mais quoi qu’il en soit, des russes se sont bien battus pour les nazis. A cela on peut ajouter des volontaires SS (encore une fois, à peu près tous les pays européens en ont eu).

Par conséquent, si les Ukrainiens sont des nazis pour cette raison, alors les Russes et 99% de l’Europe le sont également. Du boulot en perspective pour notre dénazificateur.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Collaboration_en_Ukraine_durant_la_Seconde_Guerre_mondiale
https://fr.wikipedia.org/wiki/14e_division_SS_(galicienne_no_1)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l%27Ukraine_pendant_la_Seconde_Guerre_mondiale

La Russie n’a jamais attaqué la première, elle n’a fait que se défendre à chaque fois ?

La Pologne vous dit merci. Détruite et occupée au moins 4 fois par son voisin, en 1772, 1793, 1815 (après que Napoléon l’ait fait revivre via le grand duché de Varsovie), et 1941, sans oublier la guerre soviéto-polonaise de 1919 à 1921. De même que les pays baltes, la Finlande, la Roumanie en 1940. Quant à Napoléon, s’il l’a bien envahi en 1812, c’est après sa participation à 3 coalitions, sans attaque de la France … et à chaque fois, après une cuisante défaite, avec la promesse de « non non non, promis on recommencera plus, nous on vous aime bien c’est la faute des Anglais ! ».
Et là, on ne parle même pas des mouvements colonisateurs vers la Sibérie (qui n’a pas toujours été russe figurez vous) et le Caucase (où l’on trouvait des chrétiens et des musulmans, pas très russes eux non plus).


Donc le mythe d’une Russie éternelle victime des autres, qui sont tous méchants, est bien un mythe, au même titre que les licornes ou la probité en politique.
D’ailleurs, parmi l’un des plus « virulents » opposants à la Russie au sein de l’OTAN : la Pologne. Peut être qu’ils ont quelques raisons historiques de se méfier ?

(je ne vais pas tous les mettre, mais qq exemples)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Partages_de_la_Pologne
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d%27Hiver
https://fr.wikipedia.org/wiki/Occupation_des_pays_baltes
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Caucase

Voilà les réponses à quelques mensonges que l’on entend depuis plusieurs semaines. Et si certains se demandent pourquoi je tape sur la Russie ? Je ne tape pas sur la Russie ; j’ai un profond respect pour l’histoire de ce peuple, et notamment des colossaux efforts qu’il a fait pour la victoire contre l’Axe. Je continuerai à défendre les faits ; et si démonter les conneries historiques d’Hollywood est un passe temps qui me régale, le faire contre les mensonges d’un régime, qui utilise les mêmes grosses ficelles qu’on a déjà pu voir dans le passé, est un devoir.

Faut pas taquiner les Belges – 1ere partie

Il en est ainsi : en France, on aime bien se moquer de nos voisins belges. En atteste une impressionnante série d’histoires comiques, prétendant mettre en scène les habitants du plat pays, sans compter les imitations de leur langage si particulier, ou bien plus récemment les moqueries à propos du fait qu’ils auraient prétendument gagner une compétition mondiale, en 2018, d’un sport peu connu, et qu’en tout cas ils le mériteraient plus que nous.
Cependant, nous devrions être prudents : car en dehors de brasser quelques unes des meilleures bières, et de compter nombre de dessinateurs de bandes dessinées talentueux, les Belges peuvent également se montrer taquins, voire grognons, pour ne pas dire carrément brutaux. Ainsi, ne vous étonnez point si, après une plaisanterie douteuse de trop, votre camarade wallon (ou flamand, si vous êtes hardcore) n’en prenne ombrage, et qu’on retrouve votre cadavre flottant sur la Meuse, la panse remplie de frites et une fricadelle enfoncée dans chaque narine.
Je vous sens septique : allons, si les Belges étaient violents, cela se saurait ! Et bien il semblerait que vous ignoriez maintes choses sur ce pays qui, s’il n’a pas de faits d’armes aussi connus que ses voisins plus grands, n’en a pas moins quelques histoires démontrant la détermination belliqueuse de ces habitants. Je vais de ce pas vous les raconter, en commençant par le Moyen Age. Car si la Belgique n’existait pas à cette époque, elle était déjà peuplée par des gens qu’il ne fallait mieux pas taquiner de trop …

La guerre de la vache

Vous avez cette épisode de Kaamelott, où le paysan Guethenoc explique que sa vache a été volée, et que si on ne le dédommage pas, il va faire cramer le pays ? Et bien cela s’est vraiment produit, à la fin du 13e siècle, mais sur des terres correspondant à la Belgique actuelle.

Tout commence à Andenne, en 1275, lors d’une foire. Un certain Rigaud de Corbion, venant de la ville de Ciney, y aperçoit une vache, qu’on lui a volé récemment. Il alla voir le bailli – sorte de capitaine de gendarmerie de l’époque – de sa région (le Condroz), Jean de Halloy, présent à la foire pour assister à un tournoi, afin de se plaindre. Ce dernier alla voir le prétendu voleur, un paysan du nom de Engoran, qui dépendait lui du seigneur de Goesnes. Comme il n’était pas dans sa juridiction, le bailli Jean de Halloy ne pouvait pas punir Engoran sans provoquer un incident diplomatique. Il proposa l’arrangement suivant : Engoran rend la vache, et il ne sera pas inquiété pour le vol s’il pénètre en territoire du Condroz. Le paysan devant passer sur ces terres pour rentrer chez lui, il accepte.
Engoran rend la vache, puis rentre chez lui, escorté par les hommes du Bailli. Tout se passe bien … jusqu’à ce qu’ils arrivent sur les terres du Condroz, où les hommes du bailli se saisissent de lui (ils ont maintenant le droit), et le pendent à un arbre. Autant pour la parole donnée : de Guethenoc, nous sommes passés à Léodagan.

Tout aurait pu s’arrêter là. Mais Jean de Goesnes, seigneur de Goesnes, dont dépendant ledit Engoran, n’est pas content. Il avait effectivement ambitionné de devenir bailli du Condroz à la place du bailli, et l’avait mauvaise. Probablement qu’il n’en avait rien à faire du paysan en soi, mais il tenait un casus belli : en effet, en tant que seigneur, on ne pouvait punir un serf de mort sans son consentement.
Il envoie donc ses neveux et certains de ses alliés en expédition punitive, détruire le château de Halloy. Jean de Halloy, fort marri par cette impolitesse, passe à son tour à l’offensive, et ravage les terres de Goesnes, incendiant les villages.
C’est là que tout dégénère, comme pour la 1ere guerre mondiale : Jean de Goesnes appelle en renfort le comté de Namur, qui lui même fait entrer dans le conflit le Comté du Luxembourg (Gui de Dampierre, marquis de Namur, étant le gendre du comte du Luxembourg). Ensemble, ils font le siège de Ciney, capitale du Condroz, et après leur victoire, brûlent tous les défenseurs dans l’église, façon Oradour sur Glane. Puis ce fut au tour du prince de Liège d’entrer en guerre, au côté du Condroz, en ravageant les terres de ses adversaires.

La guerre ne prit fin qu’avec l’intervention du roi de France en 1278, Philippe le Hardi, qui siffla la fin de la récré, bon ça suffit maintenant les conneries. Résultats : quand même 15 000 morts. Sans doute ce chiffre est exagéré (les chroniqueurs de l’époque avaient tendance à surévaluer le nombre de morts dans les conflits, c’était plus vendeur). Mais quand même, c’est considérable pour l’époque, et rappelons que tout ça a commencé par le vol d’une vache.

De nos jours, si vous allez en Wallonie, vous pouvez suivre la route de la « Guerre de la vache », balisée par des panneaux. Les Belges se vantent donc d’un énorme bain de sang, pour un unique ruminant.

Ces andouilles en sont si fiers qu’ils en font une attraction touristique

La guerre des Awans et des Waroux

Après Kaamelott, passons à Roméo et Juliette, sous stéroïdes.

Le seigneur d’Awans, Humbert Corbeau, avait donné en mariage, à l’un de ses cousins, une jeune serve du nom d’Adoule, bien dotée (dans le sens qu’elle a une belle dot). Ledit cousin aurait pu ainsi récupérer la donzelle et sa fortune, il aurait pu dire : Adoule, le fric. Après ce lamentable calembour, signalons qu’il est du droit du seigneur d’Awans de marier une de ses serfs comme bon lui semble (et quelque part dans le monde, une féministe vient de mourir ; mais l’époque était ainsi …).
Sauf qu’un jeune écuyer, amoureux de la belle, décida qu’il n’en serait point ainsi, et l’enleva pour l’épousailler, probablement avec son consentement cette fois ci. Sauf que l’écuyer était au service du seigneur de Warroux, Guillaume le Jeune, et donc Humbert Corbeau n’avait pas d’autorité sur lui. Il protesta tout de même par voie légale : il devait prouver qu’Adoule était une serve, ce qu’il ne put faire dans les délais impartis (48 heures). Le seigneur de Warroux refusa de renvoyer la jeune femme et confirma le mariage.

Le seigneur d’Awans apprécia moyennement. Il convoqua tous ceux de son lignage, et présenta ce qu’il considérait comme un affront. Or, les règles de noblesse implique que l’insulte faite à un représentant de la lignée, c’est toute la lignée qui est insultée. Vengeance donc : chaque membre du parti Awans fit le serment de punir l’affront. Promesse faite sur le sang : chacun versa quelques gouttes de son sang dans une coupe, puis y trempa ses lèvres. Heureusement que le VIH ne sévissait pas dans ce coin à l’époque.

Le parti des Awans commence donc à ravager joyeusement les terres des Warroux. Ceux ci, mécontents, entamèrent donc des représailles, qui provoquèrent à leur tour des contre représailles, etc. Le tout entrecoupé de trêves, provoqué par différents motifs, notamment des tentatives extérieures pour faire cesser le conflit.

L’une d’entre elles eut lieu lorsque des troupes au service des Awans, avait mis le feu à une tour où s’était réfugiés des chevaliers du clan des Warroux. Sauf que ladite tour appartenait à l’évêque de Liège, qui n’avait pas donné l’autorisation qu’on crame sa bâtisse. Il força donc les chevaliers des Awans à subir une humiliation publique, qui consistait à effectuer un pelerinage, sans armure et la selle sur la tête. Comme c’était un représentant de l’Eglise, on pouvait difficilement lui dire non, et les chevaliers subirent la punition.

Mais la guerre reprit tout de même, les Awans n’ayant pas bien digéré la punition, et les Warroux étant toujours mécontents qu’on ait tout cassé chez eux.
En Avril 1298, on tenta de résoudre de nouveau le conflit à l’aide d’un duel judiciaire : chaque parti enverrait un champion, et le vainqueur aurait raison et puis c’est tout. Le champion des Awans fit preuve de ruse : il arriva juste à l’heure limite pour le duel, ce qui fit que son adversaire poireauta une demi journée dans son armure à l’attendre. Vu le poids des armures de l’époque, le malheureux partit avec un sérieux handicap, et perdit.
De façon étrange, ce duel ne régla absolument pas le problème, et la guerre reprit de plus belle, chaque mort entrainant des représailles, provoquant à leur tour des morts. Cela aurait pu durer un moment, du moins jusqu’à la mort de tous les belligérants … ceux ci se débrouillant pour impliquer toujours plus de monde dans leur petite guéguerre familiale.

C’est ainsi que le seigneur d’Awans, le seigneur de Waremme (le précédent, Humbert Corbeau, est mort depuis quelques années déjà, tué dans une bataille), décide que tout cela n’est pas assez compliqué. En Aout 1310, il tend une embuscade à Henri de Hermalle, qui n’avait rien à voir avec la choucroute (il était neutre jusque là), mais qu’il n’aimait pas. Celui ci fut laissé pour mort sur le champ de bataille ; mais il avait survécu, et un peu énervé qu’on ait tenté de le tuer, décide de rejoindre les Warroux, dont il deviendra même le chef militaire.

On continua les échanges de politesse, en détruisant tour à tour les châteaux des uns et des autres. Jusqu’en 1325 où l’on décida que ça suffit : on va s’expliquer sur le champ de bataille, vas y ramène tes gros on va te défoncer le harnois. Bien que le prince-évêque de Lièges envoya des émissaires pour empêcher la boucherie, cela ne suffit pas, et le 25 Août, les deux camps s’étripèrent joyeusement. Bien que le parti Awans ait globalement gagné, les pertes étaient telles qu’on décida d’une nouvelle trêve, chacun rentrant chez lui pour panser ses blessures. Cette fois ci, le conflit ne reprit pas vraiment, chaque camp ayant trop perdu pour ré engager les hostilités.

La guerre prit fin avec l’implication du prince évêque de Liège, qui avait déjà tenté de mettre fin au conflit plusieurs fois. Il organisa une assemblée, qui finit par amnistier tout le monde de tous les crimes commis, invitant également à oublier tout ce foutoir, et que si quelqu’un venait à vouloir se venger de nouveau, il serait puni le vilain. Et pour sceller la paix, on utilisa le moyen classique du Moyen Age européen, c’est à dire le mariage : on maria le fils de l’un avec la fille de l’autre.

De fait, le conflit ne repartit pas : les pertes humaines parmi la noblesse de la région étaient elles qu’ils ne pouvaient de toute façon plus se le permettre. La guerre dura tout de même de 1297 à 1335, soit 38 années (même si les 10 dernières furent + calmes). On parle, selon les sources, entre 500 et 30 000 morts (on dirait les chiffres d’une manifestation, version police et version manifestants). Ce qui est sûr, c’est que cela entraine une perte d’influence de la noblesse, au profit de la bourgeoisie en plein essor, grâce à la prospérité des villes commerçantes.

La bataille des éperons d’or

Jusqu’à maintenant, nous avons parlé de guerres entre Belges, certains pourraient me dire que ça ne compte pas. Ne vous en faites pas, nous allons y venir.

Nous sommes en 1302. Jusqu’à récemment, le comte de Flandre était un vassal du roi de France, Philippe le Bel. C’est à dire que le comté était largement autonome, mais sa loyauté allait envers la couronne française ; bref, le classique serment de vassalité médiéval.
Sauf que les Flandres étaient extrêmement prospères, grâce à l’industrie textile, ce qui avait permis un essor conséquent des villes et de la bourgeoisie, qui avait donc un poids économique, mais également politique. L’activité textile dépendait de l’importation de laine anglaise, et donc la région était étroitement liée au royaume d’Angleterre.
Ainsi, quand Philippe le Bel déclara la guerre à l’Angleterre, pour récupérer l’Aquitaine, le comte de Flandre, Gui de Dampierre, se retrouva dans une position délicate : lié à son suzerain par un serment d’allégeance, pressé par la bourgeoisie de sa région de le rompre. Pour s’en sortir, il dégaine – encore – l’arme diplomatique ultime de l’époque : le mariage. Avec les Anglais. Comme ça, hop : il quitte le service du roi de France pour rejoindre son ennemi.
Cela dit, là où le comte de Flandres fut un peu neuneu, c’est qu’il en parla au dit roi, lors d’une visite à Paris. Ce dernier, peu enclin à accepter ce changement d’alliances, l’emprisonna purement et simplement, avec ses deux fils.
Philippe le Bel finit par le libérer, en le faisant promettre que hein, ce mariage c’est pas une bonne idée, allez laisse tomber gros ! Gui de Dampierre fait mine que oui oui, d’accord, on oublie tout … puis il rentre chez lui, rallie les opposants à la France, et en 1297, se déclare « détaché de toute obligation féodale », en gros, il proclame l’indépendance. Et de fait, la guerre.

Le roi de France réagit, et envoie ses troupes occuper le comté, qui prennent initialement le dessus. Sauf que les Flamands, mécontents que l’on parle français dans leurs rues, se révoltent en masse, et suite à un coup de force (les matines de Bruges), massacrent soldats et partisans français, environ un bon millier. Le pays change de nouveau de main, et le roi de France ne tient plus que deux forteresses, dont l’une d’entre elles est Courtrai.

Cette dernière est rapidement assiégée, et Philippe le Bel prépare alors une expédition de secours, afin d’aller calmer tout ce petit monde qui parle une drôle de langue. L’avant garde française se porte au secours du château assiégé, où les attendent les Flamands.

D’un côté, les Français alignent environ 10 000 hommes, donc un quart de chevaliers et d’écuyers, des arbalétriers et des hommes d’armes, bien entrainés et équipés. Les chroniqueurs de l’époque parlent de beaucoup plus d’hommes, jusqu’à 50 000, mais ceux ci avaient souvent tendance à exagérer, car plus vendeurs (l’ancêtre du putaclic). De l’autre, un nombre à peu près équivalent, mais essentiellement des fantassins issus des milices, donc des conscrits venant de villes, avec un entrainement variable, allant de plutôt bien à carrément nul.

Les chevaliers français sont sûrs de gagner : ils chargent sans trop réfléchir, de front. Deux éléments vont se retourner contre eux :

  • le champ de bataille ; il est étroit, avec d’un côté un fleuve (la Lys), de l’autre des marécages et un grand fossé (probablement un ancien lit du fleuve désormais asséché). Le terrain est globalement boueux. Autrement dit, le pire pour une charge de cavalerie lourde, avec peu d’espace pour manœuvrer et se replier en cas de pépin
  • les armes des milices : celles ci sont largement équipées avec des sortes de lances, le godendac, et des piques. Ces armes, même entre des mains peu expérimentées, s’avèrent redoutables pour les chevaliers en armure lourde.

Les charges s’embourbent dans le terrain boueux, perdent tout impact arrivées sur la ligne de bataille, et se font stopper par les godendacs. L’une après l’autre, les vagues de chevaliers échouent, ajoutant de la confusion au chaos ambiant. Les cavaliers ne peuvent plus manœuvrer. Seule l’arrière garde française, voyant le dawa, décide de faire demi tour (on verra qu’ils n’ont pas eu tort).

A l’époque, quand des chevaliers s’affrontaient, il était de bon ton d’épargner si possible son adversaire, pour le faire prisonnier et le rançonner. Officiellement, car entre bons Chrétiens, on évite de faire couler le sang (en tout cas quand on est noble ; les pauvres bien entendu, ça ne compte pas). Officieusement, ça arrange tout le monde : le prisonnier, car il évite de mourir (et c’est bien) ; le vainqueur, car il peut ainsi obtenir une rançon (cela devient vite une source de revenus pour la noblesse, du moins tant qu’on gagne).
Du coup, nos chevaliers français, constatant que la bataille est perdue, commencent à se rendre, selon la coutume. Sauf qu’en face, nous avons des miliciens, pas du tout des nobles, et pas au courant de ce genre de pratiques. Ainsi, lorsque les chevaliers s’approchent pour se rendre, nos braves flamands croient à une attaque désespérée ; et ils massacrent allègrement tout ce beau monde.

C’est une véritable hécatombe coté français : environ un millier de morts. Pour l’époque où, comme je l’expliquais, on essaie généralement d’épargner l’ennemi (pour en soutirer le maximum de flouzes), c’est beaucoup. Mais surtout, de nombreux chevaliers, y compris des nobles de haut rang, y laissent leurs vies : presque tous les commandants sont ainsi tués, à part celui de l’arrière garde (qui a eu le bon sens de faire demi tour).
Après la bataille, les miliciens récupèrent les éperons des chevaliers morts au champ d’honneur, et ceux ci sont envoyés décorer l’église Notre-Dame de Courtrai. D’où le nom donné à la bataille.
Grâce à cette bataille, le parti flamand peut prendre le contrôle du pays : c’est le début du sentiment national, et une indépendance de fait. La victoire, aussi brillante soit elle, n’est cependant pas décisive et de courte durée : le roi de France peut en effet lever une nouvelle armée, même si cela lui demande du temps et de l’argent, deux choses dont il ne manque pas. La guerre tourne de nouveau à son avantage, surtout qu’il a compris la leçon, et avance prudemment. Il finit par obtenir la victoire 2 années plus tard, mais préfère négocier une paix intelligente, à son avantage, et la Flandre retourna sous le giron royal.

Un tableau représentant la bataille de Courtrai, peint au 19e siècle

Cependant, l’idée d’indépendance était là, et reviendra plusieurs fois dans l’Histoire. Quant aux éperons, ils seront finalement récupérés en 1382, par le roi Charles VI.

Alors, on le voit bien : il ne faisait pas bon déranger les ancêtres des Belges. Mais les modèles plus récents sont ils moins farouches ? Nous verrons cela dans un prochain article.

Pour aller + loin :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_la_Vache
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Awans_et_des_Waroux
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Courtrai_(1302)

Sources des images : Wikipédia