Quelques mensonges du Kremlin sur l’Ukraine

Nous sommes ici sur un blog qui parle d’histoires, et d’Histoire. Je ne vais donc pas commenter l’actualité, fort riche en ce moment et qui va probablement marquer date dans le grand livre de l’Histoire. Il y aurait pourtant fort à dire, mais ce n’est pas le but de ce blog. Quand j’ai commencé à écrire les pages où vous vous trouvez, je désirais faire réfléchir, amuser, pousser la curiosité et partager ; mais également parfois rappeler, contre les préjugés et les manipulations, que les faits sont têtus et à la portée de celles et ceux qui veulent bien se donner la peine d’y regarder de plus près. Bien entendu, je ne suis pas historien, aussi je vous ai toujours invité à ne pas me croire sur parole, à creuser ce que je vous dis, à vérifier, et à vous forger votre propre réflexion, tant que celle ci se base sur la base large de concret, de vérifiable. Et en tant qu’amateur d’Histoire, je m’élèverai toujours contre les personnes peu scrupuleuses, puissantes ou faibles, qui n’hésitent pas à mentir, à tordre le fait historique pour des intérêts passés, présents ou futurs. Car quelques soient leurs intentions, mentir sur l’Histoire finit toujours par aboutir à une catastrophe.
Or, cette terrible guerre qui fait rage à l’Est de l’Europe, a fait une victime, bien avant que les premières bombes ne tombent, et que les premières rafales ne soient tirées. Cette victime, tombée sur le champ de bataille médiatique, c’est ma bien aimée Histoire, criblée de mensonges par un régime qui cherche à justifier l’injustifiable. Si d’autres, bien plus talentueux que moi, sauront la soigner, permettez moi au moins de lui appliquer quelques pansements.

L’Ukraine est une invention des bolchéviques ?

Durant l’Antiquité, les territoires correspondants à l’Ukraine actuelle ont connu différentes vagues de peuplement (comme à peu près toute l’Europe en fait) : peuples nomades d’Asie mineur ou centrale, Grecs, puis peuplades germaniques ou d’Europe centrale. Puis, au 8e siècle, les Varègues (vikings de Suède), prennent la ville de Kiev, et fondent un Rodslagen (« état des rameurs »), ou en protoslave : Rous’. Et oui, c’est bien de là que vient l’appellation « russe ». Cet état s’étend sur le Nord de l’Ukraine, la Biélorussie et l’Ouest de la Russie, et divisé en principautés. On parle également de la Ruthénie.
Le pays est prospère, mais s’affaiblit peu à peu à force de divisions … et se fait envahir par les Mongols et les Tatars. Ces deux peuples dominèrent la région, et n’étaient pas forcément connus pour être bienveillants : de nombreux autochtones prirent la fuite pour la Pologne, la Hongrie, la Moldavie, et une partie de la Crimée (sous contrôle byzantin).


Puis, un siècle plus tard, les Polonais et les Lituaniens parvinrent à repousser l’empire mongol, surtout dans le Nord Ouest. Les deux pays se partagent les terres conquises, et rebâtissent villes et villages. La noblesse se « polonise », et introduit le catholicisme parmi les populations de l’Ouest, tout en faisant preuve de tolérance vis à vis des orthodoxes. Elle accepte également l’émergence de cosaques, des populations de l’Est qui refusent la domination polonaise et catholique, mais qui sont « tolérés » comme arme contre les Tatars.
Mais les mêmes cosaques finissent par se rebeller contre le pouvoir polonais, et libèrent peu à peu le territoire. De là, ils fondèrent un état cosaque autonome, lié à la Russie, appelé « Ukraine », ce qui signifie « marches » : le nom du pays suggère donc une position tampon. Le pays était appelé Hetmanat (dirigé par un Hetman), dut lutter contre la Pologne et la Russie pour garder son indépendance ; mais il était également l’un des plus alphabétisés d’Europe, avec une culture riche. Hélas, le pays finit par devenir un vassal de la Russie, qui l’utilise pour combattre les Ottomans et les Polonais. Le Sud est quant à lui sous contrôle tatar et turc. L’Ouest (région appelée Galicie) est intégré à l’Autriche suite au partage de la Pologne entre ce pays et la Russie. Catherine de Russie réduit l’autonomie des Cosaques, et la partie russe de l’Ukraine est directement assimilé à son empire. L’Ukraine est partagée entre plusieurs puissances, et cesse d’exister.


Mais le 19e siècle arrive, avec ses poussées de fièvre nationaliste, partout à travers les empires multinationaux. Et l’Ukraine n’y échappe pas. Et comment réagit la Russie ? Officiellement, pour elle : l’Ukraine n’existe pas. La culture ukrainienne, notamment sa langue, connait une renaissance. Tout naturellement, les autorités russes réagissent bien naturellement … en interdisant l’apprentissage de l’ukrainien, et en pratiquant une russification forcée.


Et puis la 1ere guerre mondiale arrive, ce qui provoque un affaiblissement des grands empires russes et austro-hongrois, et un retour des volontés d’indépendances nationales. En Mars 1917, alors que la Russie est en proie à la révolution, l’Ukraine déclare son indépendance ; et en novembre de la même année, la Rada centrale, assemblée ukrainienne, proclame la République populaire ukrainienne, assez rapidement reconnue par la France et la Grande Bretagne. La suite est assez confuse : les Bolcheviques, qui ont pris le pouvoir en Russie, occupent le nouveau pays … puis suite à la paix négociée avec les Allemands, l’évacuent, ce qui permet le retour des autorités nationalistes. Différentes factions, internes ou externes, se disputent le pouvoir ; comme d’habitude, c’est la population qui en paie les frais, entre « réquisitions » et combats.


Finalement, à l’instar du voisin russe, ce sont les Bolchéviques qui finissent par l’emporter, et une grande partie du pays rejoint l’URSS, comme la république socialiste soviétique d’Ukraine (quelques territoires de l’Ukraine actuelle, à l’Ouest et au Sud, rejoignant d’autres pays, Pologne, Roumanie et Tchécoslovaquie). L’Ukraine est tout d’abord bien traité par le nouveau régime (ou du moins, pas plus mal que le reste du pays) : la langue et la culture ukrainienne sont autorisées, contrairement à l’époque impériale ; un certain fédéralisme est même instauré. Puis, Staline accède au pouvoir, et siffle la fin de la récré. Si je n’ai pas d’éléments indiquant une répression culturelle, il surveille cependant de très près toute velléité nationaliste (comprendre : il met au goulag ceux qui parleraient un peu trop fort d’autonomie).


La région est d’importance pour l’URSS, et va servir à l’industrialisation forcenée des plans quinquennaux. Tout d’abord, grâce à l’exploitation minière, de la région du Donbass notamment, et à l’exploitation hydroélectrique (construction sur le Dniepr du plus grand barrage d’Europe, qui fonctionne toujours) ; mais c’est surtout en tant que grenier à blé que l’Ukraine va être exploitée : pas tant pour nourrir la population grandissante des villes, que pour exporter les « surplus » afin de financer l’industrie naissante. Et quand je dis « surplus », les guillemets ont leur importance : les autorités soviétiques avaient tendance à surestimer les récoltes, pour exporter davantage … quitte à laisser les paysans mourir de faim (de toutes façons, ils ne votent pas communistes, même s’il n’y a personne d’autre pour qui voter). C’est en partie dans ce contexte qu’aura lieu l’Holodomor, la grande famine qui touchera l’Ukraine et l’URSS dans une moindre mesure. Mauvaise gestion des autorités centrales, punition envers les paysans qui refusaient la collectivisation, génocide ? Les historiens débattent encore, le débat ne sera pas tranché ici. Mais cet épisode dramatique va constituer l’un des fondements du récit national moderne.
La seconde guerre mondiale passe, avec son lot de morts et destructions supplémentaires. Je n’en parlerai pas plus ici (je le ferai un peu plus bas). Le pays continue sa vie au sein de l’URSS de la Guerre Froide. Puis en 1986, nouvelle catastrophe, nucléaire cette fois ci : Tchernobyl. Après avoir été un grenier surexploité sous Staline, les Ukrainiens se demandent s’ils ne sont pas maintenant devenus une poubelle pour déchets nucléaires.
Avec l’effondrement de l’URSS, le nationalisme ukrainien reprend de la voix, et aboutit en 1991 à une nouvelle indépendance, votée à + de 90% par référendum. Durant les années suivantes, le pays va osciller entre Ouest et Est, entre volonté d’européisation et liens historiques avec la Russie. Nous n’irons pas plus loin.

Ainsi, l’Ukraine est elle une invention de Lénine, comme le clamait un chef d’état récemment ? Dans ce cas, pourquoi aurait on eu besoin de la russifier durant le 19e siècle ? Comment une république ukrainienne aurait pu exister avant même la naissance de l’URSS ? Il faut reconnaître que russes et ukrainiens ont un passé qui pourraient les rapprocher. Cela dit, l’identité nationale ukrainienne existe bien, et ce depuis longtemps ; comme d’autres nations à travers le monde, ce sont différentes guerres et tragédies qui ont forgé ce sentiment national, en réaction à d’autres qui auraient voulu l’étouffer.
Et de surcroit, historiquement, c’est bien la Rous de Kiev qui précède la naissance de Moscou ou de la Russie : à défaut donc, si les deux pays doivent s’unir, c’est en toute logique à Poutine de se soumettre à Zelensky, et à lui remettre les clés de son pays …

https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l%27Ukraine
https://www.lemonde.fr/international/video/2022/03/24/l-ukraine-a-t-elle-ete-creee-par-la-russie_6118906_3210.html (vidéo réalisée par Le Monde, après que j’ai commencé à rédiger mon article, mais il m’a fallu un certain temps pour le finaliser … il dit peu ou prou la même chose)

Armes nucléaires et Ukraine : le mémorandum de Budapest ?

Vous avez pu entendre parler du « mémorandum de Budapest » ces dernières semaines, voire mois ou années, selon votre degré de suivi de l’actualité. Mais de quoi s’agit il ? Pourquoi le président russe parle t il d’une remise en cause de celui ci en prétendant que l’Ukraine veut se doter de l’arme nucléaire ? Et pourquoi cette accusation est un énorme foutage de tronche (que l’accusation soit vraie ou fausse) ? Voyons de quoi il en retourne.

L’URSS se disloque en 1991 : les républiques soviétiques qui la composent deviennent indépendantes, dont l’Ukraine (comme dit ci dessus). Or, l’ancienne superpuissance avait disposé de nombreuses forces à travers toutes les régions, y compris en Ukraine bien positionnée géographiquement. Et parmi ses forces, des armements nucléaires.
Lorsque l’URSS s’effondre, chaque pays hérite à peu près naturellement des armements « sur place » pour constituer leurs nouvelles armées. L’Ukraine ne fait pas exception, et se retrouve en possession d’un imposant arsenal nucléaire. Mais ceci ne plait guère aux USA, à la Russie, et aux autres pays du petit cercle des puissances nucléaires, qui aimerait bien que leur cercle reste toujours petit. Ainsi, l’Ukraine, mais aussi la Biélorussie et le Kazakhstan, sont approchés par les Etats Unis et la Russie, afin de négocier : tu rends les bombinettes, tu n’en fabriqueras pas d’autres, et en échange, on te promet qu’on te défendra au cas où … C’est le protocole de Lisbonne de 1992.
Sauf que l’Ukraine (et un peu les autres) traînent des pieds : elle veut bien … mais en échange, elle aimerait qu’on lui fasse des promesses. Promesse de la défendre en cas d’invasion, aide économique, non ingérence dans ses affaires. Du coup, les négociations prennent un peu plus de temps, mais on finit par se mettre d’accord : en 1994, est signé le fameux mémorandum de Budapest, entre l’Ukraine, la Russie, les USA et la Grande Bretagne. Le premier s’engage à détruire ou remettre à la Russie tout ce qui lui reste en armes nucléaires, et à ne pas en fabriquer d’autres. En échange, les autres s’engagent à respecter l’intégrité territoriale ukrainienne « en l’état », à ne pas l’attaquer ou utiliser d’autres moyens de pression (y compris économiques) pour influer sa politique. Voilà …

Ceci étant dit, faisons donc la comparaison :

  • d’un côté, la Russie accuse l’Ukraine de développer un programme nucléaire militaire (sans preuves jusqu’à maintenant), et ce depuis fin 2021/début 2022 uniquement
  • de l’autre côté : l’Ukraine a subi de nombreuses pressions de la Russie, y compris économiques (pourtant interdits dans le mémorandum), notamment avec un gros chantage au prix du gaz, et ce dès le début des années 2000 ; en 2014 elle se voit annexée une partie de son territoire reconnue internationalement, y compris les signataires de Budapest, et justement par l’un des dit signataires (lequel d’après vous ? toujours le même) ; et une nouvelle fois … la Russie envoie ses armes dans un conflit séparatiste, et finit par reconnaître lesdits séparatistes, violant encore et toujours la parole donnée (est on à ça près). Alors, finalement, envahir le pays et le saccager avec presque toutes les armes possibles et imaginables, finalement, n’est que la suite logique d’un non respect total de ses engagements

Je crois que le match est clair.

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9morandum_de_Budapest

Les nationalistes ukrainiens ont collaboré avec les nazis ?

Certains affirment que l’Ukraine est une nation de « traîtres » et de « nazis ». La preuve : durant la 2e guerre mondiale, la population du pays a massivement collaboré avec l’occupant allemand, fournissant même des troupes pour combattre l’Union Soviétique, et certaines sont même entrer dans les SS. Regardons y de plus près.

L’Ukraine, nous l’avons vu ci dessus, a particulièrement souffert de la période stalinienne ; au même titre que le reste de l’URSS, mais un peu plus quand même, avec l’Holodomor. Si bien que la Wehrmacht, préparant l’invasion du pays, se demande si y’aurait pas moyen de s’entendre avec ces gens là, des fois que … En fait, dès les années 1930, l’Allemagne nazie accueille des nationalistes ukrainiens qui ont fui leur pays, et prépare avec eux un éventuel soulèvement contre « l’occupant » communiste.


Lorsque les troupes allemandes déclenchent l’assaut, elles progressent rapidement sur les territoires ukrainiens (la zone devenant même objectif prioritaire en Septembre 1941, pour s’assurer le contrôle de la production agricole et minière). L’accueil de la population est très variable : plutôt chaleureux dans l’Ouest, qui les perçoivent comme des libérateurs, mais bien plus glacial dans l’Est. Au départ, l’occupant nazi fait des efforts afin d’être bien accepté : la répression se concentre sur les communistes et les juifs. Des forces de police « locales » sont créées pour administrer les territoires, une armée insurrectionnelle ukrainienne commence à voir le jour, pour libérer définitivement le pays de la présence soviétique, et aider l’allié allemand à vaincre cet adversaire honni.


Mais assez rapidement, les nazis vont revenir à leurs habitudes de gros bourrins. On explique aux nationalistes que hahaha, non, votre indépendance vous pouvez vous asseoir dessus. Par contre, n’hésitez pas à vous battre pour nous. L’armée insurrectionnelle est dissoute, transformée en force de répression anti partisans. Ceux qui ont vraiment envie de bouffer du bolcho sont invités à rejoindre des divisions SS incluant des combattants étrangers ; une division entière va même voir le jour, la 14e division SS « Galicie » (la Galicie étant une région de l’Ouest). Quant à la population, elle sera tout simplement exploitée et martyrisée, au gré des réquisitions et représailles anti résistance. Autant dire que rapidement, les Allemands passent du statut de « potentiel libérateur » à celui de « gros enfoiré ». Malgré tout, cela n’empêchera pas les volontaires des forces auxiliaires de continuer leur collaboration, prenant une part importante dans la lutte anti partisans aux côtés des Einsatzgruppen ; ils feront même preuve d’une très grande brutalité dans ces opérations, commettant moult crimes contre leur propre population. Ces jusqu’au-boutistes seront même des opposants acharnés au retour de l’Armée Rouge lors des offensives soviétiques de 1943-1944, menant à leur tour des opérations de guérilla (dans un certain sens, ils savaient qu’ils n’auraient pas le droit au « pardon, bisous, c’est fini, on va faire comme si rien ne s’était passé »).

Alors oui : il s’est bien trouvé des Ukrainiens pour collaborer activement avec le 3e Reich, aidant même ce dernier à martyriser ses propres concitoyens. Entre la police locale, les auxiliaires anti partisans et les volontaires SS, ils ont peut être été quelques centaines de milliers. Cela dit, cela suffit il à catégoriser tout un peuple comme traître et ayant une tendance naturelle à brandir en l’air son bras droit ? Nous avons un des deux côtés de la balance ; permettez moi d’ajouter, de l’autre côté, deux poids conséquents.

Le premier : si des dizaines voire centaines de milliers d’Ukrainiens se sont battus au côté des nazis, ils ont été des millions à combattre pour l’Armée Rouge. Sur les 11 millions de soldats soviétiques morts au combat, on estime qu’environ 1,7 million étaient des Ukrainiens pur souche (environ 16%), ce qui montre bien le sacrifice fait pour la victoire. De plus, dès les premiers jours de l’invasion, une partie de la population a monté un mouvement de partisans, au même titre que les autres territoires occupés. S’il a peut être été moins actif que celui de Biélorussie, c’est en partie à cause de la géographie : là où cette dernière présente de nombreux marécages et forêts (propices à la dissimulation et à la guérilla), les vastes plaines d’Ukraine offrent moins d’opportunités. Ce qui est sûr, c’est que si des Ukrainiens ont participé à l’éradication de la résistance, c’est bien qu’il y en avait une ! D’ailleurs, les autorités soviétiques seront elles même reconnaissantes envers les efforts de l’Ukraine : plusieurs villes seront proclamées « héros de l’Union Soviétique », notamment Kiev, le pays lui même va obtenir un siège au conseil des nations unies (alors qu’appartenant à une entité possédant déjà un siège ! il me semble que c’est le seul cas où cela est arrivé), et se verra récompenser quelques années après la guerre, par le transfert de la Crimée.


Le deuxième : certes des Ukrainiens ont collaboré … mais il ne faudrait pas occulter le fait que des Russes l’ont également fait ! (ah, la mémoire sélective d’un homme âgé …) Le plus célèbre était sans doute Andreï Vlassov, général de l’Armée Rouge. Lorsqu’à la tête de la 2e armée de choc, il fut fait prisonnier par les Allemands, il leur proposa ni plus ni moins de combattre pour eux, afin d’aller couper la moustache au petit père des peuples. Rien que ça ! Dans la catégorie trahison, pour quelqu’un qui était considéré comme un héros dans l’armée soviétique, c’est un bon champion. Il proposa même à ses nouveaux Freunden de lever une « armée de libération russe », comprendre une armée de volontaires qui iraient se taper du rouge, en recrutant chez tout ce que l’union soviétique comptait de mécontents (notamment des anciens « blancs »), mais également dans les prisonniers de guerre (à qui on offrait un super marché : soit mourir dans des camps, en travaillant jusqu’à épuisement, soit mourir en tuant ses anciens camarades). Si les nazis étaient très réticents à filer des armes à ceux qu’ils étaient en train de massacrer, ils finirent par accepter, afin de combler leurs pertes toujours plus grandes. Cela représenta jusqu’à 50 000 combattants. Sauf que comme on avait peur qu’en combattant dans leur pays, ces hommes ne finissent par trahir, on les envoya loin … en Normandie par exemple. Sauf que privés de l’idée de participer à la « libération » de leur pays (libération très relative, vu ce qu’avait prévu Hitler pour les peuples de l’URSS), ils ne se montrèrent pas très combatifs non plus. Bref, une idée de Scheisse ; mais quoi qu’il en soit, des russes se sont bien battus pour les nazis. A cela on peut ajouter des volontaires SS (encore une fois, à peu près tous les pays européens en ont eu).

Par conséquent, si les Ukrainiens sont des nazis pour cette raison, alors les Russes et 99% de l’Europe le sont également. Du boulot en perspective pour notre dénazificateur.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Collaboration_en_Ukraine_durant_la_Seconde_Guerre_mondiale
https://fr.wikipedia.org/wiki/14e_division_SS_(galicienne_no_1)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l%27Ukraine_pendant_la_Seconde_Guerre_mondiale

La Russie n’a jamais attaqué la première, elle n’a fait que se défendre à chaque fois ?

La Pologne vous dit merci. Détruite et occupée au moins 4 fois par son voisin, en 1772, 1793, 1815 (après que Napoléon l’ait fait revivre via le grand duché de Varsovie), et 1941, sans oublier la guerre soviéto-polonaise de 1919 à 1921. De même que les pays baltes, la Finlande, la Roumanie en 1940. Quant à Napoléon, s’il l’a bien envahi en 1812, c’est après sa participation à 3 coalitions, sans attaque de la France … et à chaque fois, après une cuisante défaite, avec la promesse de « non non non, promis on recommencera plus, nous on vous aime bien c’est la faute des Anglais ! ».
Et là, on ne parle même pas des mouvements colonisateurs vers la Sibérie (qui n’a pas toujours été russe figurez vous) et le Caucase (où l’on trouvait des chrétiens et des musulmans, pas très russes eux non plus).


Donc le mythe d’une Russie éternelle victime des autres, qui sont tous méchants, est bien un mythe, au même titre que les licornes ou la probité en politique.
D’ailleurs, parmi l’un des plus « virulents » opposants à la Russie au sein de l’OTAN : la Pologne. Peut être qu’ils ont quelques raisons historiques de se méfier ?

(je ne vais pas tous les mettre, mais qq exemples)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Partages_de_la_Pologne
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d%27Hiver
https://fr.wikipedia.org/wiki/Occupation_des_pays_baltes
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Caucase

Voilà les réponses à quelques mensonges que l’on entend depuis plusieurs semaines. Et si certains se demandent pourquoi je tape sur la Russie ? Je ne tape pas sur la Russie ; j’ai un profond respect pour l’histoire de ce peuple, et notamment des colossaux efforts qu’il a fait pour la victoire contre l’Axe. Je continuerai à défendre les faits ; et si démonter les conneries historiques d’Hollywood est un passe temps qui me régale, le faire contre les mensonges d’un régime, qui utilise les mêmes grosses ficelles qu’on a déjà pu voir dans le passé, est un devoir.

Les chars allemands étaient ils les meilleurs de la 2e guerre mondiale ? – 2e partie

Deuxième article sur la question : les chars allemands en 1939-45 étaient ils vraiment les meilleurs ? Et pour répondre à cette question, nous allons revenir en arrière, comprendre d’où sont partis nos braves militaires de la Wehrmacht.

Premier arrêt : 1903 ; un capitaine français polytechnicien, Léon René Levavasseur, arrive à l’état major pour présenter son idée : un canon monté sur une plateforme roulante tout terrain. Et puis on va ajouter un blindage, pour protéger les servants des tirs de fusils ou des éclats d’obus. Et à la places des roues, on va mettre une grande bande de chaque coté (ça ressemble furieusement à des chenilles, et rien à voir avec la chanson). Vous l’aurez compris : il vient d’inventer le char (plutôt un canon automoteur, mais ne chipotez pas). Bien entendu, tout cela est trop moderne pour les militaires de l’époque, qui rejettent le projet sous le prétexte que on fera jamais mieux que le cheval pour déplacer un canon. Comme notre ami Levavasseur est têtu, il revient à la charge en 1908, mais il essuie toujours un refus.

Un schéma du projet Levavasseur


Dans le même temps, un Autrichien, le lieutenant Gunther Burstyn (avec un nom pareil, sûr qu’il n’est pas japonais), propose en 1911 une idée un peu similaire, mais avec cette fois ci un canon sous tourelle. Et en Australie en 1912, c’est un ingénieur civil, Lancelot de Mole (ça s’invente pas … le gars devait avoir des envies de chevalerie motorisée), cette fois, qui propose un engin blindé pour transporter des soldats. Les chefs militaires étant uniformément stupides, toutes ces idées beaucoup trop en avance sur leur temps sont rejetées. H.G. Wells parle pourtant, dans une de ses nouvelles, de « land ironclads » (cuirassés terrestres) qui écrasent des fantassins un peu trop sûrs d’eux. Nous en restons donc là pour l’instant.

Le char façon Burstyn, bien trop en avance sur son temps …


Puis la guerre éclate. Après quelques mois de guerre de mouvement, la guerre s’enterre. Et il devient extrêmement difficile de percer les lignes ennemies, protégées par des tranchées, des mitrailleuses qui fauchent les fantassins, des barbelés qui ralentissent les charges, … Bref, l’attaque ne peut se faire que si on la précède d’un puissant barrage d’artillerie ; sauf qu’après, le sol est retourné, rendu instable, et progresser sur un tel terrain devient vite un enfer. Ah, si seulement on avait un engin protégé des tirs ennemis, capable de se déplacer sur tout type de terrain, et d’emmener avec lui une puissance de feu suffisante !
Heureusement, du coté franco britannique, on se souvient de ces idées un peu farfelues, et on se dit que finalement, c’était peut être pas si bête. Au Royaume Uni, c’est le premier lord de l’Amirauté, un certain Winston Churchill, qui pousse le projet. Et comme on ne veut pas que les Allemands comprennent la petite farce qu’on leur prépare, on appelle le projet « tank », ou réservoir, en faisant croire qu’il s’agit de réserves d’eau mobiles, destinés à la guerre dans le désert. Donc oui, quand vous jouez à « World of tanks », vous jouez en fait au « Monde des réservoirs ». Ça claque moins quand même.


En 1916, le premier modèle est au point : le Mark 1. On est encore loin du char contemporain : il s’agit plutôt d’une grosse caisse blindée, avec des chenilles qui montent jusqu’au dessus du char ; pas de tourelle, mais les armes sont installées sur des supports latéraux. On décline l’engin en deux version : une armée de deux canons, appelée subtilement « male », et une « female », avec tout plein de mitrailleuses, et dont le rôle est de protéger les premiers en combat rapproché.

Le Mark I britannique, modèle « male »


Ils seront utilisés pour la première fois durant la bataille de la Somme. Les Britanniques veulent l’utiliser pour percer les défenses allemandes (notamment, détruire les mitrailleuses), et permettre ensuite à la cavalerie d’avancer. Les Français leur demandent d’attendre (que leurs propres chars soient opérationnels, afin de créer un effet de surprise complet), mais non : le commandant anglais VEUT ses chars. On les envoie donc au combat. Cette première fois est pour le moins confuse. Pas mal de chars tombent en panne en plein no man’s land, d’autres se font péter par l’artillerie teutonne ; certains parviennent à atteindre leurs objectifs, mais la cavalerie ne parvenant pas à suivre, ils se retrouvent isolés au milieu de l’ennemi, et plusieurs finissent par se faire capturer. Point positif : l’apparition des bestiaux a tout de même provoqué une certaine panique chez les Allemands, même s’ils ont fini par se reprendre.
Malgré ce revers, les militaires anglais vont insister, améliorer non seulement les véhicules mais aussi leur doctrine d’utilisation.


De leur côté, les Français ont également travaillé sur le char. Et pour cela, on fait appel à un homme. Non, pas Levavasseur : tout le monde semble l’avoir oublié (à moins qu’il boudait dans son coin, à fabriquer son propre char, avec des tables de black jack et des danseuses orientales). Mais un certain Jean Estienne. C’est un militaire qui aime bien les idées nouvelles (un truc rare) ; on lui a déjà confié le développement de l’aviation militaire avant guerre (pour le réglage de l’artillerie), avec succès. Et dès le début de la guerre, il déclare que le vainqueur sera celui des deux belligérants qui saura mettre un canon sur un véhicule tout terrain.
On lui confie donc le développement de « l’artillerie spéciale ». Pour l’instant, les chars français (Schneider et St Chamond) ressemblent à ceux des anglais, c’est à dire une grosse caisse roulante avec canon en casemate ou sur les côtés. Estienne n’est pas convaincu : il appelle Renault pour lui demander de produire un char léger, en très grosses quantités. L’industriel est déjà occupé à produire des obus, et décline.


Entretemps, les chars français sont engagés pour la première fois à Berry Au Bac, dans le cadre de l’offensive du chemin des Dames – malgré l’avis de Jean Estienne, qui pense que c’est trop tôt. Bien entendu, on ne l’écoute pas, et comme pour les Britanniques, c’est un échec : les chars qui ne tombent pas en panne, ou détruits par l’artillerie ennemie, finissent tout seuls dans les lignes ennemies, et font demi tour. L’artillerie spéciale est sur le point d’être dissoute … mais finalement, le changement de têtes à l’état major la sauve.


Et puis, en 1917, Renault a changé d’avis, et on écoute enfin Estienne. Avec son pote fabricant de voiture, ils conçoivent donc un nouveau char, le char FT : petit, mobile grâce à ses larges chenilles, avec une tourelle à 360° et moteur à l’arrière. Bref, presque le schéma du char moderne. Bon, il avait quelques défauts, comme l’absence de systèmes de communication interne (le chef de char donnait des ordres au pilote en lui donnant des coups de genou pour la direction – un coup à droite, on tourne à droite, un coup à gauche, on tourne à gauche – ou sur le casque pour démarrer/arrêter), une quasi absence de suspensions qui mettait la colonne vertébrale à rude épreuve. Mais il était assez fiable, et surtout, facile à produire : environ 3 700 chars furent fabriqués sur les 18 mois, dans différentes usines. Et il était si bien que de nombreuses armées alliés vont l’adopter, y compris les Etats Unis qui viennent tout juste d’entrée dans le conflit.

Le char Renault FT, sans doute le meilleur de la 1ere guerre mondiale
Le même char, vu de l’intérieur


Pour l’anecdote : il était prévu au départ que les USA produisent le char Renault sous licence dans leurs usines. Sauf que les frenchies ayant envoyé les plans avec des mesures en système métrique, et les ricains utilisant pouces et pieds … bah ça n’a pas bien marché. Le temps que les problèmes de conversion furent résolus, la guerre était finie. Résultat : le corps expéditionnaire américain combattra avec des chars produits en France.


Reprenons. Le matériel est là, en quantité. Reste à l’utiliser correctement. Il faudra attendre mai 1918 pour que les chars français soient utilisés massivement. Et le succès sera enfin au rendez vous. Regroupés dans de grandes formations, avec l’infanterie qui suit juste derrière, et soutenus par les chars « lourds » restants, les Renault FT vont faire merveille. Si bien que ce sera un des éléments (parmi d’autres) du succès de l’offensive des 100 jours.


Et du côté allemand ? Bah le char : on y croit pas trop. Alors oui, à la première rencontre face aux Britanniques, ça a été un peu la panique de voir plusieurs dizaines de tonnes d’acier avancer sans broncher. Et puis finalement, ils sont tombés en panne, et ont fini défoncés par l’artillerie. Du coup, on se dit que c’est une idée pourrie : le char, ça marchera JAMAIS. Les Allemands ne font pas vraiment d’efforts pour améliorer l’idée ; si bien que même s’ils développent un unique modèle (Sturmpanzerwagen A7V), ils en produiront à peine 20, et utiliseront davantage des chars piqués aux Anglais.

Un des rares chars allemands de l’époque, le A7V, en Juillet 1918


On le voit donc : les Allemands, à la fin de la guerre, partent de loin, et même très loin, sur la question du blindé. Vont ils mettre à profit l’entre-deux guerres pour travailler ce point ? Nous le verrons dans l’article suivant.

Pour en apprendre plus :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_Levavasseur

https://en.wikipedia.org/wiki/Gunther_Burstyn

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mark_I_(char)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Char_Schneider_CA1

https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-Chamond_(char)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Estienne (je conseille vivement, le gars a eu une sacré vie)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Char_Renault_FT

https://fr.wikipedia.org/wiki/A7V

Source des images : Wikipédia

Le kamikaze russe qui a survécu (4 fois)

Quand on évoque « avion suicide » et « 2e guerre mondiale », on pense généralement aux Japonais et à leurs kamikazes (« vent divin » dans la langue de Naruto). En effet, nos braves amis du pays du Soleil Levant, sentant l’aigre odeur de la défaite approcher, se dirent que la meilleure chose à faire, c’était d’envoyer la fine fleur de leur jeunesse s’écraser sur les navires américains, en se disant qu’à un moment les Yankees en auraient marre et rentreraient chez eux. Bon dis comme ça, ça a l’air très con. Et ça l’a été : les attaques suicides ont davantage eu un impact moral que stratégique. Mais cela répondait à deux logiques : culturelle (bushi do, le combat jusqu’à la mort etc.) et logistique : coupé de ses approvisionnements en pétrole, le Japon ne pouvait plus entraîner convenablement ses pilotes. Du coup, comme ça n’a pas marché, ils ont changé de technique et tentent désormais de corrompre notre jeunesse à coups d’orgies de tentacules (en bousillant au passage leur jeunesse, comme quoi y’a une certaine constance).

Ce qui est mois connu, c’est que certains pilotes ont parfois écrasé – volontairement – leurs avions … sur d’autres avions. La plupart du temps, l’idée était de crasher un chasseur sur un appareil plus gros (genre transporteur ou bombardier), ce qui est plus facile (le premier étant plus agile, le deuxième constituant une cible assez grosse), et a plus de valeur stratégique. Ce n’était pas spécialement nouveau, puisque les premiers abordages aériens (ou éperonnages aériens – ce sont les noms officiels de cette technique) ont eu lieu durant la première guerre mondiale (donc finalement, c’est aussi vieux que le combat aérien lui même). Les soviétiques, qui sont pas les derniers dans l’art de la déconne, ont même donné un nom particulier à cette attaque : le « taran » (littéralement, bélier en russe, assez explicite).

Une illustration d’un taran en 1914, pratiqué par un voltigeur russe

La comparaison avec nos amis nippons s’arrête là, puisque dans le cas de l’abordage aérien, le sacrifice du pilote n’est pas automatique. En effet, celui ci a une petite chance d’en réchapper, puisqu’il peut sauter de l’appareil. Autant dire que les probabilités de survie sont tout de même très réduites. Déjà, pour sauter en parachute d’un chasseur de l’époque, il fallait en vouloir : pas de siège éjectable, il faut donc se détacher de son siège, ouvrir la verrière, monter par dessus le rebord et sauter, le tout d’un avion volant à 400-500 km/h, parfois en feu, puis à ouvrir son parachute. A cela, il faut ajouter qu’on ne peut sauter qu’au dernier moment (il faut maintenir l’aéronef dans la bonne direction pour augmenter les chances de collision), mais que si l’impact est trop fort, votre appareil peut exploser.

Autre illustration, cette fois d’un chasseur allemand percutant un bombardier américain

Pourquoi en venir à une telle tactique ? En combat aérien, il n’est pas rare de tomber à court de munitions (l’emport est limité, et difficile de recharger dans les airs), ou de se retrouver trop endommagé pour rentrer à la base. Dans ce cas, plutôt que de sauter en parachute, pourquoi ne pas entraîner un ennemi avec soi ? Si on a des exemples d’utilisation de cette technique chez de nombreux belligérants, les soviétiques sont ceux qui l’ont le plus mis en avant (et sans doute, le plus utilisée). A cela une raison idéologique (glorification du sacrifice individuel pour la cause commune), mais également technique. Au début du conflit, les forces aériennes soviétiques disposent d’une grosse quantité de chasseurs, certes peu performants mais disponibles en nombre. Face aux chasseurs allemands ils se retrouvent inférieurs, mais ils disposent d’une hélice en métal. Or, si de nombreux avions possèdent des ailes et carlingues en métal, certains organes de direction (gouvernes) sont encore en toile et bois. L’idée est donc d’utiliser le taran pour hacher ces parties faibles. Ou, en dernier ressort, se prendre plusieurs tonnes dans la tête est souvent fatal pour un avion.

Pourtant, nous en venons à notre héros du jour : Boris Ivanovitch Kobzan. Avec un tel nom, forcément : il est russe. Mais sa particularité, c’est d’être le champion toute catégorie du « taran ». En effet, non seulement il a obtenu le plus grand nombre de victoires (4) avec cette attaque spéciale, mais il a également réussi à survivre … à chaque fois. Autant dire que le gars peut jouer à Xcom sans trop craindre la RNG.

Le gars a même eu droit à ses timbres

Pour la petite anecdote, la technique a tellement impressionné l’US Air Force que, durant les tests sur les premiers avions à réaction, ils avaient imaginé un appareil dédié à cette forme de combat. Il ressemblait à un gros boomerang de métal, et devait réussir à « trancher » les appareils ennemis. Avec la généralisation des appareils à réaction et les premiers missiles AA guidés, l’idée s’avéra merdique et ne dépasse pas le stade du prototype. Malheureusement, j’ai oublié le nom de ce merveilleux appareil, donc je ne pourrai pas vous le donner.

Pour en apprendre plus :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Taran
http://les-avions-de-legende.e-monsite.com/pages/anecdotes-aeriennes/l-attaque-taran.html

Source des images : Wikipédia

La crise des obus de 1915

Aujourd’hui on va parler d’une crise qui n’a pas été anticipé. De responsables qui n’ont pas su la préparer, constituer des stocks ou des filières de production. Et du coup, au bout d’un temps assez bref, on se retrouve à court. L’histoire propagée par des journaux avides de scoops, et qui font des émules dans l’opinion publique, réclamant des têtes (qui tombent … parfois).
Bien entendu, je parle de la crise des obus de 1915. Bien sûr, toute ressemble avec une crise plus récente ne serait qu’une facétie de l’Histoire.

Tout commence en 1914. Cette année là, les Européens décident qu’il est grand temps d’aller joyeusement se planter du fer dans le bidou. Et vas y qu’on est les meilleurs, d’abord nous notre symbole ce sont trois bonasses, alors que vous votre patron c’est un gros moustachu ; ach, z’est pas très chentil de ze moquer de notre kaiser, fiens là qu’on te gasse la tronchje, ezpèze de démocrate ! Des arguments de haut vol s’il en est.

Triple entente vs triple alliance


Cette guerre, tout le monde l’attendait plus ou moins, certains la souhaitaient même (ils la mettaient sur la liste pour Saint Nicolas – le père Noël n’ayant pas commencé son service à ce moment). Mais au final, personne n’y était vraiment préparé. A part les Allemands (encore eux, damned !). En effet, nos brave teutons, soucieux de ne pas déroger à leur réputation d’excellents organisateurs, avaient prévu une guerre moderne (pour l’époque) : artillerie conséquente (notamment lourde), et surtout stocks de munitions et filières d’approvisionnement efficaces.

Tout le monde (y compris les Allemands pour le coup) avait prévu une guerre courte : avant Noël 1914 c’était fini, on serait de retour à la maison. La France avait fait le pari d’une guerre de mouvement, comme en 1870 (caramba ! encore raté). La Russie était un pays encore très rural, son armée, quoique très nombreuse était en cours de modernisation (on avait environ 1 fusil pour 2 soldats). Quant au Royaume Uni, c’est encore mieux : pas de conscription, la guerre on a pas vraiment envie d’y aller, mais là les Allemands ont envahi la Belgique qu’on est censé garantir, donc bon, on y va quand même. (note : pour les autres belligérants, je n’ai pas spécialement de données, mais il semblerait que ce n’était guère plus brillant)
Sauf qu’au bout de quelques mois, le front Ouest se stabilise, la guerre de mouvement est finie, on entre dans l’ère de la guerre des tranchées. Nouveau type de guerre, nouvelle tactique : désormais, avant de monter à l’assaut on tartine les lignes ennemies avec force quantité d’obus, qui, en retour, nous en rebalance tout autant. Ce qui est bien, mais nécessite cependant une chose : des munitions, beaucoup. Or, sur ce point, le Royaume-Uni et la France vont vite se retrouver dépassés.

Le scandale part d’une petite phrase. Nous sommes en Mai 1915, durant la bataille de l’Artois : attaque franco-britannique, qui bien sûr se voulait décisive mais, malgré quelques succès, ne parviendra pas à rompre le front. Un journaliste du Times interroge le commandant britannique, Sir John French (ça ne s’invente pas), et lui demande les causes de l’échec. Ce dernier, ne voulant pas reconnaître ses erreurs, déclare : « nous sommes tombés à court de munitions ». Ce qui est partiellement vrai : par ex. à Neuve Chapelle, le bombardement préliminaire a été raccourci à cause d’un stocks de munitions « faible » (notion toute relative : l’artillerie britannique tirera tout de même + de 200 000 obus).
Quoi qu’il en soit, la remarque fait l’effet d’une bombe au Royaume-Uni. Le Times titre : « The shell scandal » (le scandale des munitions). Les autres journaux en rajoutent une couche. On accuse le gouvernement d’avoir mal préparé le pays, l’artillerie se retrouvant à court d’obus en à peine quelques mois de conflit. Ceci, ajoutés à d’autres débâcles (les Dardanelles notamment), finit par provoquer la chute du gouvernement, remplacé par un gouvernement de coalition. En France, l’histoire fait moins d’émules, mais le même problème se pose. Il faut augmenter la production, non seulement d’obus, mais de tout : du fusil au canon lourd, en passant par les nouvelles armes (bombes pour avions, obus à gaz, pour mortiers, balles de mitrailleuses, …).

Jusque là, la production d’armes et munitions était assurée par des arsenaux d’état. Pour démultiplier les capacités productives, les gouvernements se tournent vers l’industrie privée. Cependant, vu qu’on veut pas non plus les laisser faire n’importe quoi, et pour assurer une coordination nécessaire, on va créer un ministère des munitions, aux prérogatives étendues : de l’approvisionnement des matières premières à l’acheminement dans les dépôts, en passant par le contrôle qualité, les filières de transport, et le recyclage des douilles usagées.
Ces organisations vont monter en puissance, et avoir un impact considérable, non seulement pour les pays concernés, mais aussi pour le monde entier. Des industries diverses sont converties (et notamment, l’industrie automobile – on va y revenir). Les hommes étant au front, on va faire appel à la main d’œuvre féminine (les fameuses « munitionnettes »). Les conséquences sont également sociales : le droit de grève est interdit dans les usines d’armement, la démission sans consentement de l’employeur, parfois il est même interdit de s’asseoir ! En revanche, on s’intéresse aux risque professionnels, à la santé des travailleurs (un ouvrier malade ça travaille moins bien il paraît …), et des progrès sont enregistrés de ce coté.

Des ouvrières anglaises de l’industrie des munitions


Le succès va être progressif, mais réel. Au début, il faut simplifier les procédures de fabrication, former les ouvriers, construire les locaux, acheter les machines, … Cela prend du temps, la qualité en pâtit : presque un obus sur 5 s’avère être défectueux, n’explose pas ou au mauvais moment (souvent, dans le fût du canon, ce qui est préjudiciable aux pauvres artilleurs qui sont à côté). Mais en quelques mois, les problèmes sont résolus et la production explose (au bon sens du terme). On dispose enfin d’assez de matériel pour rivaliser avec les boches.

Un stock d’obus britannique

Et une fois la guerre finie ? Même si les besoins militaires chutent, les conséquences seront durables. L’industrie a profité de sa réorganisation pour devenir plus productive (et notamment, la production automobile). Les soviétiques disaient « quand on sait produire un tracteur, on sait produire un char » ; 30 ans avant, l’inverse s’est révélée tout autant exacte. Pour les obus, on avait besoin de nitrates, qui entraient dans la composition des explosifs ; ils seront utilisés dans la production d’engrais. Et l’industrie chimique, et ses gaz de combat ? Elle va désormais combattre … les insectes.
Prenons maintenant un exemple, de quelqu’un de pas très connu : André Citroën. A l’époque, ce monsieur est avant tout un ingénieur mécanique, et un industriel modeste. Mais André, il a des idées, surtout depuis qu’il a visité les usines d’un certain Henry Ford. Lorsqu’il est mobilisé dans l’artillerie, il constate vite qu’on manque de munitions. Et quand la crise éclate, il en profite : il va voir des responsables de l’armée, et leur dit « filez moi de la thune, je vous filerai des obus ». Soit, banco dit le général responsable de l’artillerie. Il se met au travail. En + de ce que lui a donné l’état, il emprunte de l’argent un peu partout, famille, amis, banques. Il achète des terrains quai de Javel, à Paris, pour agrandir son usine, qu’il fait relier à la voie ferrée à ses frais. Il fait construire avec des matériaux simples et bons marchés, comme de la tôle ondulée. Il se fournit également en machines, notamment des presses industrielles américaines.

Usine Citroën, quai de Javel


Et il embauche : des ouvriers démobilisés, mais aussi des femmes, jusqu’à 50% de la main d’œuvre. Les équipes travaillent jour et nuit, jusqu’à 11h par jour, Dimanche compris. Le règlement intérieur est strict, il est même écrit « Défense de s’asseoir. Défense de causer. Défense de faire grève ». Cependant, il n’est pas indifférent au sort de ses employés : il fait construire une cantine qui sert 3 500 repas, les ateliers disposent d’une pouponnière (on parlerait de « crèche » de nos jours), de services médicaux, et même d’une coopérative proposant aliments, charbon, vêtements et autres produits de première nécessité. Pour l’époque, c’était novateur, même si pas désintéressé.
Comme partout ailleurs, cela prend du temps, mais le résultat finit par arriver. En 1916, il produit environ 10 000 obus/jour, pour finir à un maximum de 50 000 obus/jour. Difficile de se représenter ce que cela fait, mais pour comparaison, au début de la guerre les arsenaux français en produisent environ 13 000/jour. Au total, pour toute la guerre, les usines Citroën vont fournir 26 millions d’obus. Ce qui est pas mal (mais en fait pas tant que ça, toujours par comparaison, à Verdun Français et Allemands se sont échangés 53 millions d’obus).
Et après guerre ? Notre bon Citroën a gagné beaucoup d’argent, et il a prévu le coup : il peut enfin mettre ses idées en œuvre pour l’industrie automobile. L’usine quai de Javel n’est pas démantelée, mais reconvertit pour produire des automobiles. Il faut remplacer les chevaux morts durant le conflit, et quoi de mieux qu’un engin motorisé ? La production est tellement importante que la France produira en 1919 plus de voitures que les Etats Unis ou l’Allemagne. En Janvier, André Citroën annonce un nouveau modèle moitié moins cher que le modèle le moins cher du marché ! Paris devient la capitale de l’automobile. Sans entrer dans les détails, la marque aux deux chevrons connaitra des succès, des échecs, pour finalement devenir le poids lourd que l’on connaît aujourd’hui.

Donc la prochaine fois qu’on vous parlera d’une crise équivalente, et qu’on vous sortir tout un tas de solutions, vous pourrez dire que la dernière fois, on s’en est sorti avec un savant mélange de contrôle étatique, d’initiatives privées, d’assouplissements sociaux et en parallèle de nouveaux droits, et que cela a fini par l’émergence de nouveaux géants industriels. Et bien entendu, l’état a même trouvé le moyen de regagner une partie de l’argent qu’il avait dépensé, avec un impôt exceptionnel sur les bénéfices de guerre. Malin.

Pour aller + loin :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_des_obus_de_1915
https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Citro%C3%ABn
https://fr.wikipedia.org/wiki/Contribution_exceptionnelle_sur_les_b%C3%A9n%C3%A9fices_de_guerre (notre talent national pour créer de nouveaux impôts)
https://www.passionnement-citroen.com/post/histoire-citroen-l-usine-du-quai-de-javel

Sources des images : Wikipédia, blog https://www.passionnement-citroen.com

Armistice ou capitulation : une différence ?

Il y a quelques jours, nous fêtions le 102e anniversaire de l’armistice de Rethondes, le 11 Novembre 1918. Avec les autres armistices moins connus, et signés peu avant sur les autres fronts, il marque la fin de la Grande Guerre. Mais il ne signifie pas pour autant la paix, qui devra attendre le traité de Versailles pour être effective, le 28 Juin 1919. Paix d’ailleurs très partielle, puisque de nombreux conflits ont éclaté ou vont éclater sur la période : guerre civile russe, allemande, conflit soviéto-polonais, et de nombreux mini conflits territoriaux entre les nouveaux pays tous juste créés par la dislocation des grands empires allemands et austro-hongrois.


Et le 8 Mai, nous avions célébré la capitulation de l’Allemagne nazie, qui là encore n’a pas signifié la fin des combats, puisque quelques éléments SS ne voulant pas lâcher l’affaire, ont continué à faire ce qu’ils savaient si bien faire, c’est à dire foutre le dawa, pendant quelques jours. Sans oublier que la guerre n’était pas finie, puisqu’on continuait à se battre du côté du pays de Naruto.

Le 11 Novembre, armistice. Le 8 Mai, capitulation. Mais, me demanderez vous, quelle est donc la différence entre les deux ? Y a t il des conséquences concrètes si l’on choisit l’un plutôt que l’autre ? Patience : je vais vous expliquer. Et on va même s’adonner à un petit jeu d’imagination pour mieux comprendre …

Trêve, capitulation et armistice

Déjà, définissons ces 3 notions.

Trêve : elle signifie que les belligérants sont d’accord pour arrêter de se taper dessus, au moins pour un temps ; mais la guerre continue officiellement, et donc les combats peuvent reprendre dès la fin de celle ci. Une trêve peut être limitée dans le temps (pour une durée décidée) ou pas, concerner une zone géographique restreinte, définir certaines conditions spécifiques (par ex., replier les troupes de quelques kilomètres). Parfois, il arrive qu’une trêve soit déclarée unilatéralement, c’est à dire qu’un des parties dise qu’il va cesser ses attaques (le respect de la trêve par l’autre camp ne dépendant alors que de sa bonne volonté).
Les motivations d’une trêve sont souvent humanitaires : évacuation de civils d’une zone de combat par exemple. Parfois, une trêve est annonciatrice d’une paix à venir (quand les combattants sont particulièrement épuisés), mais potentiellement, une trêve peut s’arrêter et les affrontements reprendre aussitôt. C’est donc une situation précaire dictée par des conditions impérieuses, et qui ne signifie pas forcément la fin de la guerre.
Quelques exemples de trêve : après la libération de la France en 1944, reste quelques poches d’occupation, surtout les fameuses « poches de l’Atlantique ». Rien à voir avec des pantalons marins : il s’agit de ports français transformés en forteresses par les forces allemandes, et notamment Dunkerque, Lorient, Saint-Nazaire, La Rochelle et Royan. Si les Alliés ont réussi à libérer certaines villes (comme Brest, Cherbourg ou Saint Malo), cela s’est fait au prix de telles pertes qu’on préfère ne pas retenter l’expérience. De plus, le principal intérêt serait la capture des ports, or ces farceurs d’Allemands ont tendance à les faire exploser sitôt que la situation sent la saucisse avariée. Du coup on décide de les encercler, et d’attendre la défaite allemande pour leur expliquer que ça y est, vous pouvez partir. Sauf que dans ces villes, il y a des civils, pas forcément joyeux à l’idée de se retrouver bloqués entre boches et yankees ou autres tommies. D’autant plus que blocus oblige, la nourriture devient rare. Les autorités militaires allemandes de ces places fortes, conscients que se retrouver avec des civils affamés n’étaient ni intelligents, ni sympathiques, ont négocié par l’intermédiaire de la croix rouges des trêves humanitaires, afin d’évacuer tous les civils qui le souhaitent. Par contre, dès les trêves expirées, les combats ont pu reprendre.
Autre exemple plus récent : en Ukraine, déchirée par une guerre civile depuis 2014, entre séparatistes russophones et gouvernement central. Un cessez le feu existe depuis 2015, définissant un certain nombre de conditions (retrait des armes lourdes, recul des lignes de front, échange de prisonniers, …). Mais techniquement, les deux parties sont toujours en conflit. D’ailleurs, les accrochages sont malgré tout courants, même si moins violents.

Capitulation : il s’agit de la reconnaissance, par l’une des forces combattantes, de l’incapacité de ses troupes à poursuivre le combat. C’est avant tout une décision militaire : moi plus pouvoir taper sur toi assez fort. Elle est donc à l’initiative d’un des camps, celui qui perd, et l’autre ne peut que l’accepter. Par contre, une capitulation peut être assortie de conditions, et là c’est au « vainqueur » de les accepter … ou non. Dans ce cas, le vaincu peut soit se rétracter (et continuer le combat à n’importe quel prix), soit accepter une capitulation sans conditions, et de facto, se soumettre entièrement à l’autorité du vainqueur. Une capitulation peut varier géographiquement : elle peut concerner juste une ville, une armée, ou bien s’étendre à un pays tout entier.
Un exemple de capitulation sous conditions est la bataille de Camerone, haut fait d’armes de cette troupe de têtus qu’est la Légion. En sous nombre et sans ravitaillement, face à des Mexicains mieux armés et plus nombreux (environ 2000), 62 légionnaires vont résister pendant une journée entière. A la fin, presque tous morts ou blessés, le commandant restant (un sous officier, les officiers sont tous morts) accepte de se rendre … à condition que les blessés soient soignés, que leur soient laissés leurs armes et affaires, et qu’on dise partout que les légionnaires ont des gonades de la taille de melons. Ce que l’officier mexicain acceptera, tant il fut impressionné par la vaillance de ses ennemis (il dit précisément : « On ne refuse rien à des hommes comme vous ») ; les survivants de la Légion défileront même devant la troupe mexicaine, qui leur rendra les honneurs !
Quant à la capitulation sans conditions, on reparlera plus tard du 8 Mai 1945 …

Armistice : à contrario, l’armistice est avant tout le fait d’autorités politiques (civils ou plus rarement militaires). Bref, c’est un gouvernement ou ce qui s’en approche qui dit à l’autre que bon, on s’est bien marré, mais si on arrêtait et qu’on rentrait chez nous prendre le goûter ? De fait, les forces militaires sont toujours en état de combattre, et souvent en train de le faire (même si parfois, ce n’est pas le cas et que l’armistice suit une débâcle).
La proposition étant faite à la partie d’en face, peut s’ouvrir des négociations pour les modalités. Et c’est là que la situation militaire peut jouer : si l’un des parties est en grande difficulté, l’autre pourra lui imposer plus facilement ses conditions. En revanche, si le statut quo est bien installé, une armistice pourra se faire de façon quasi neutre. Quoi qu’il en soit, il faut bien attendre que tous les belligérants soient bien d’accord sur le comment, avant que les combats ne s’arrêtent. Mais si l’armistice est signée, là est une différence de taille : techniquement, l’armée n’a pas été défaite.

Et à noter, comme dit au tout début, que l’armistice ne signifie pas encore la paix, juste la fin des combats. Un traité devra s’ensuivre qui lui, mettra fin définitivement à la guerre. Le poids de chaque partie durant les négociations à venir dépendra largement de la situation au moment de l’armistice : plus les perdants ont pu négocier de bonnes conditions, puis ils pourront faire valoir leur point de vue dans les négociations, et peut être s’en tirer à meilleur compte.
Exemple d’armistice : l’armistice de Panmunjeom, qui mit fin à la guerre de Corée. La situation militaire étant bloquée, tout le monde s’est mis d’accord pour dire que bon, pouce, on arrête là. On a donc négocié des conditions qui, d’ailleurs, sont toujours d’actualité (comme la zone démilitarisée entre les deux Corées). Mais, vu qu’aucun traité de paix n’a été signé entretemps … bah techniquement, la guerre se poursuit toujours, même s’il n’y a plus de combats.

D’accord, mais maintenant ? Entre l’armistice de 1918 et la capitulation de 1945, cela a t il fait une vraie différence pour l’Allemagne ? Bien entendu, sinon nous n’en parlerions pas en ce moment ! Nous allons même voir que la différence, loin d’être anecdotique, va structurer le destin du pays pour une bonne moitié du 20e siècle.

L’armistice de 1918 : situation intenable et décision intelligente

Projetons nous en Allemagne, à l’automne 1918. Au sommet de l’état et de l’armée, un fumet d’excréments assez prononcé commence à se faire sentir. Les offensives de la collection printemps/été 1918 n’ont pas eu le succès escompté, et maintenant on se replie face aux Français, Anglais, Américains, Canadiens et Belges. Les pays alliés sont tous en train de se rendre, ce qui laisse la patrie du Kaiser bien seul face à tout ce petit monde très chafouin. Les civils en ont un peu marre de souffrir alors qu’on se prend une dérouillée, et certains soldats commencent à se mutiner. Faute d’approvisionnements, la production de guerre risque de s’effondrer, et ne parlons même pas de la pénurie alimentaire. Ajoutons à cela une révolution communiste en gestation, et on a un tableau des plus encourageants.
Pourtant, le front tient encore, et si l’ennemi progresse, il subit de lourdes pertes. Mais pour combien de temps ? Les patrons de l’armée allemande, Hindenburg et Ludendorff, vont voir l’empereur Willhelm et insister lourdement sur le fait qu’il va falloir peut être arrêter le tout : clairement, on a pas encore tout perdu, autant sauver les meubles en demandant un armistice.
Cette décision est des plus raisonnables (contrairement à d’autres prises par les mêmes bonhommes). Pourquoi s’arrête alors que l’armée n’est pas battue ? Parce qu’elle le sera probablement d’ici la fin de l’hiver, et au printemps le territoire national sera sans doute envahi. Cela ferait plus de morts, de destructions (des deux côtés) pour finalement aboutir à une position très inconfortable pour négocier l’après guerre.

Une délégation est donc envoyée aux Français pour dire : pouce ? Les Alliés ne sont pas dupes. Ils savent dans quel état est l’Allemagne, et qu’elle ne tiendra pas face à une nouvelle offensive (qui est déjà préparée) ; cela dit, ils savent également que leurs pays sont épuisés par les 4 années du conflit, et qu’une invasion de l’Allemagne fera des dizaines voire centaines de milliers de morts dans leurs rangs. Donc en fait, ça les arrange que les boches viennent avouer à demi mots qu’ils sont dans la choucroute jusqu’au cou, mais tant qu’à faire, on va essayer de tirer le maximum sur la corde.

Ils reçoivent les négociateurs allemands le 8 Novembre, et tout de suite, leur font comprendre que leur tâche ne sera pas aisée. Déjà, ils les obligent à reconnaître que oui, on vient demander la paix car on est en train de se faire poutrer. Puis, ils leur présentent une liste de conditions (assez dures, revenant peu ou prou à se désarmer), avec 3 jours pour accepter ou refuser. Les Allemands tentent bien de négocier, vas y fais pas ta pute, mais non : c’est tout ou rien. Ils finissent par céder, et signe l’armistice avec toutes les exigences alliées, le 11 Novembre, vers 5h du matin, dans un lieu devenu célèbre (mais secret pour raisons de sécurité, et éloigner les curieux/journalistes) : la clairière de Rethondes. Avec application du cessez le feu à 11h. Ca y est : les combats sont finies.
A noter qu’il y aura quand même 11 000 morts le jour en question ; en comparaison, le débarquement en Normandie en fera à peu près autant du coté Alliés. Pas mal pour un jour de paix … Les autorités militaires françaises vont d’ailleurs antidater la mort de nombreux soldats, car mourir un jour de cessez le feu, c’est quand même la loose.

Le coup de poignard dans le dos, ou de l’art de la mauvaise foi

Hans, Franz et autres Karl rentrent donc chez eux. Et sont accueillis en héros. Pour eux, ils n’ont pas vraiment perdu : après tout, un jour on leur a juste dit « prends tes affaires et rentre chez toi retrouver ta femme » (ce que certains ont peut être vécu comme une punition, enfin passons). Et pour la population, c’est un peu pareil : aucun n’a vu de mangeur de grenouilles débarquer dans une ville allemande pour l’occuper. Du coup : a t on vraiment été vaincu ?
Et la question devient de plus en plus polémique, alors que les négociations de paix aboutissent à des conditions considérées comme « humiliantes » pour l’Allemagne : perte de l’Alsace Lorraine et de territoires polonais, plus de grande armée, de grosses réparations à payer aux vainqueurs et surtout, l’aveu que finalement la guerre, c’était leur faute à eux seuls. L’opinion publique s’agite : pourquoi toutes ces concessions si en fait, nous n’avons pas perdu ?
La décence et l’honnêteté auraient voulu qu’à ce moment, l’ancien état major impérial reconnaisse la vérité : ce sont eux qui ont suggéré l’armistice, car la défaite était inévitable à terme ; oui, ils ont merdouillé, pardon, tous ces morts pour rien et par notre faute. Mais bien sûr, nous sommes dans le monde réel, du coup non. Hors de question de reconnaître qu’on a eu tort. Les chefs militaires vont donc utiliser l’art ancestral du pipeau : l’armistice, c’est la faute du gouvernement civil, pas eux ; la preuve, ce sont eux qu’ils l’ont signé. Ils passent sous silence que ce sont eux qui ont reconnu que la guerre était perdue, refilent la patate chaude à autrui, et pas le droit de retoucher son père.


Et ça marche. Dans les années 1920, se développe en Allemagne la théorie du « coup de poignard dans le dos ». En gros : les braves soldats teutons sont invaincus, et le pays s’est rendu à cause de : le gouvernement civil, les communistes (et plus généralement la gauche), les pacifistes, et le grand classique, les juifs. Cette théorie va être poussée par des organisations très à droite, des anciens combattants, et les anciens généraux (trop contents qu’on ne parle pas trop de leurs échecs). La république de Weimar, nouvelle organisation de l’état allemand, va souffrir de ce fantasme : après tout, en quoi serait elle légitime si elle est la cause de la défaite ?
Cette intoxication va faire son chemin, et grandement faciliter la prise de pouvoir par un petit moustachu nerveux, qui s’en fera l’un des plus ardents défenseurs. Et quand il liquidera la démocratie germanique, beaucoup le féliciteront finalement pour avoir liquidé un ennemi intérieur … complètement imaginaire. Même l’armée, qui l’a estimé en premier lieu comme un agitateur et un révolutionnaire, sera finalement contente de trouver quelqu’un qui la défend avec tant d’ardeur.

Illustration du coup de poignard dans le dos (ici, portée par je cite, « la démocratie juive »)

Si l’on avait exigé de l’Allemagne une capitulation, plutôt qu’un armistice, les choses eurent elles été différentes ? Difficile de répondre, tant la fiction historique est un art complexe. Hitler a de toute façon profité des nombreuses difficultés de son pays pour s’imposer (en partie liées au traité de Versailles lui même). Mais la théorie du poignard dans le dos l’a vraiment boosté ; sans cela, son ascension aurait sans doute été plus lente, et avec davantage d’opposition. Cela ne reste bien sûr qu’une spéculation.
D’ailleurs, un certain nombre de personnalités françaises signaleront tout ceci, estimant qu’on a pas infligé une défaite assez marquante à l’Allemagne. Et parmi eux, notamment un certain maréchal, Pétain de son nom. (Quand on sait que le même maréchal a été le principal artisan de l’armistice français de 1940, on peut trouver cela cocasse)

Conférence de Casablanca : on ne se fera pas avoir deux fois

Persuadé qu’on lui a volé sa victoire, l’Allemagne récidive, et entraîne le monde dans une nouvelle guerre totale. Et au début, les évènements tournent en sa faveur : cela ne fait que renforcer l’idée que la défaite, c’était bien la faute des civils ! Fort de leur « supériorité », ils envahissent, bombardent, saccagent et tuent, comme des nases. Et finalement, en 1942 ils commencent à rencontrer des problèmes.
Alors que du coté des Alliés (USA, URSS et Grande Bretagne), on commence enfin à envisager la possibilité d’une victoire, on réfléchit à la suite. Que va t on bien pouvoir faire de ces hyperactifs, afin de leur faire passer l’envie de guerroyer ? On réunit une conférence, à Casablanca, en Janvier 1943. Cette fois, c’est sûr : on a été trop gentils avec le Reich en 1918. Il va falloir que la défaite soit franche et nette, pour ne pas avoir un nouveau conflit 20 ans plus tard. Et on prend la décision : plus d’armistice, cette fois, ce sera la capitulation, sans conditions. Dans les conférences à venir, on se met d’accord sur d’autres points, comme le désarmement complet de l’Allemagne, la dénazification, et l’occupation du territoire en 4 zones.
Les Alliés vont se tenir cette fois à ce programme. Mais pensez vous que cela va empêcher les Allemands de retenter le même coup ? Nenni ! De fait, même si Hitler ne l’envisagera pas lui même, pas mal de responsables vont tenter des négociations : oui d’accord, on a pas respecté notre parole de 1918, mais bon, allez, faites nous confiaaaaance. Bizarrement, cette stratégie va échouer. Si bien que les 7 et 8 Mai, c’est bien une capitulation sans conditions que va signer l’amiral Dönitz. Les dignitaires nazis qui ne se sont pas suicidés sont surpris quant, en guise d’un bisou et on en parle plus, on les emprisonne et on leur mijote un petit procès dont ils nous diront des nouvelles (le fameux procès de Nuremberg). Par exemple, Göering continuera de croire pendant un bon moment qu’il peut tenter de rattraper le coup, ça passe crème ; et puis, quand on le condamne à passer, oui, mais sa tête dans un nœud coulant, il fera moins le malin (il parviendra quand même à se suicider).
Là, les Allemands ont compris la leçon. Leurs villes sont dévastées, leurs soldats sont encore dans des camps de prisonniers, ceux qui ont pu rentrer sont dans un piètre état, et s’il y a des soldats à Berlin, ils parlent russes, anglais ou français. Ça calme ; et ça marche. Cette fois ci, plus de « oui mais on aurait pu … » : on sait qu’on a perdu, pardon aux familles tout ça. Et de fait, pas de 4e Reich jusqu’à maintenant.

On le voit donc : la différence entre armistice et capitulation a eu des conséquences, à la fin de chacun des deux conflits (même si bien sûr, il ne s’agit pas de l’unique différence). Aurait il mieux valu exiger une capitulation allemande en 1918 ? Il est extrêmement difficile de le dire, tant l’épuisement des alliés était fort à ce moment, et la paix était plus urgente.
Il est difficile donc d’imaginer ce qu’aurait pu être l’histoire « si … » Et bien c’est exactement ce que nous ferons dans le prochain article, en imaginant : et si, en 1940, la France avait choisi la capitulation plutôt que l’armistice

Pour aller + loin :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Armistice_de_1918

https://fr.wikipedia.org/wiki/Dolchsto%C3%9Flegende

Sources des images : Wikipédia